Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 19.djvu/110

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

escadrons méharistes. Lui-même, de son pied en bottes jaunes, dirige un magnifique animal de robe claire, qui s’avance, le paquet de gris-gris au col, l’éperon de cuivre debout entre les naseaux, et l’épée de la croisade, une épée de Berbères tunisiens, passée dans la sangle. Il n’est pas, dans toute la troupe, un meilleur chamelier que le lieutenant Galet-Lalande. Poursuivant un rezzou de Touareg, il sait, mieux que l’expérience millénaire de l’ennemi, ménager les montures à cou de cygne, les abreuver à temps, presser leurs flancs roux quand elles peuvent supporter une marche hâtive, et modérer l’allure de leurs foulées, dès que les plus furtifs indices trahissent les débuts d’une dangereuse lassitude. Le succès d’une expédition tient à cet emploi judicieux des méharis. Il importe que les derniers nomades esclavagistes, Maures, Touareg ou Marocains, reconnaissent l’incapacité nouvelle du désert à leur fournir une sûre retraite, après les pillages et les tueries. Quand la certitude préalable de se voir rejoints les découragera, ces brigands romantiques n’auront plus que la ressource d’imiter ceux dont nous utilisons déjà le concours parmi nos troupes, assurant la police du désert, l’entretien des puits et les transactions des caravanes. A plusieurs reprises, le lieutenant Galet-Lalande étonna ses supérieurs par l’endurance et l’adresse de ses méharistes, par les résultats de leurs randonnées. A lui, je crois, un tirailleur montrant sa cheville fracassée par une balle de ces Berabers tirant à plat ventre, dit qu’une seule jambe suffisait pour la marche de combat. Et le raide Saracolé continua de bondir à cloche-pied sans épargner, de son feu, les rares buissons ni les touffes de had qui masquent les têtes des nomades habiles à s’enterrer dans le sable, eux et leurs très bons fusils allemands. Le Soudanais ressentit encore les effets de leur adresse. Son autre tibia fut rompu par le plomb rasant le sol. Alors l’opiniâtre déclara que, s’il ne pouvait plus avancer, du moins, il épaulerait à genoux, viserait mieux, et vengerait ses blessures. Ainsi fit-il. Guéri, cet héroïque baron de la campagne nigérienne vous guidera, la baïonnette passée dans la ceinture, à la manière des Orientaux. Rejetée sur la nuque, la chéchia découvre le fer d’un large front aux bosses luisantes, deux yeux en amande, un mufle camard et mobile derrière quoi florit un sens de l’honneur qu’il faut souhaiter à tous nos réservistes de France, car alors il ne serait pas de victoire hors de notre portée.