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l’ensemble de nos monumens d’architecture religieuse constitue un trésor national et qu’il y a lieu de le sauvegarder, invite le Gouvernement à assurer, par des règles légales, la préservation et la conservation de ces monumens. »

C’est peu de chose, mais ce serait décisif. Pour l’accepter, il n’y a pas besoin d’être catholique, il suffit d’être intelligent. J’ai bon espoir. On insiste sur la bêtise ou la vulgarité de cette Chambre ! Ce n’est pas ma thèse. Elle regorge de gens qui savent faire des choses difficiles et qui, en deux temps et trois mouvemens, se haussent à tenir les grands emplois. Pourquoi dans une conversation familière ne les tirerait-on pas hors de leurs préjugés les plus sombres ? Rien à faire, c’est entendu, avec ces êtres sans lumière dont le gros œil méfiant et très vite irrité ne sait rien voir au-delà de l’abreuvoir du village, mais pourquoi ne pas causer avec ceux que je soupçonne de combattre les églises par amour des écoles ? Nous avons en commun l’idée d’un héritage de pensées, d’un bien spirituel à transmettre aux enfans. Ils m’offrent une anse par où je puis les saisir.

Un des premiers que j’aborde, c’est M. Ferdinand Buisson, que je rencontre chaque semaine à la Commission de l’Enseignement. Il me répond :

— Mais pourquoi pas ? Je passe mes vacances dans un petit village où je vis en paysan ; on y est très pauvre ; je donne mon obole au curé pour qu’il entretienne le bâtiment de son église. Dès l’instant qu’il ne s’agit pas de revenir sur la loi de Séparation, je signe.

Un socialiste unifié, M. Albert Thomas, universitaire, avec une belle franchise intellectuelle, me donne, lui aussi, son nom et me promet un constant appui.

Bons débuts, encourageans ! mais j’arrive vite à des couches plus dures. Un homme de valeur et de culture, après avoir examiné mes plus émouvantes photographies de ruines, me refuse son appui avec cette dure réflexion :

— Pour se réaliser, la royauté a détruit bien des choses belles et excellentes, pourquoi voulez-vous que la démocratie ne le fasse pas ?

C’est une réponse exceptionnelle. Le ton ordinaire de ceux qui se dérobent est mieux donné parce radical qui, sans essayer de justifier les vandalismes que je lui raconte, me dit :

— Qu’y faire, monsieur Barrès ! c’est l’histoire de toutes les