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1616, le cardinal Barberini discutant avec Galilée lui-même[1]. Il est piquant de remarquer que, quant au point débattu, la science de l’an de grâce 1912 se croit radicalement incapable de reprendre à son compte les affirmations objectivistes du génial Italien, et recommande aux savans la même prudence que… Bellarmin.

Le luthérien Képler [1571-1631] était copernicain, et réaliste, aussi convaincu que le catholique Galilée ; il fut, aussi bien que celui-ci, condamné par son Église ; il travailla, aussi glorieusement, à développer et affermir la doctrine de Copernic. Remettant en honneur l’idée parisienne, méconnue par son maître et mal comprise de Galilée, qu’une même dynamique régit le monde sublunaire et le monde des astres, il constitue la mécanique céleste. En même temps que du système d’Oresme et de Copernic, c’est de celui de Gilbert[2] qu’il part : il admet avec celui-ci que le soleil entraîne les planètes en sa course comme un cheval fait d’un manège, et que l’action qu’il déploie sur elles est normale au rayon vecteur qui les relie à son centre ; il étudie de près leurs mouvemens et formule leur rythme en trois lois mémorables. Surtout, réfléchissant à l’influence de notre soleil sur les astres errans, il relève une thèse chère à Albert de Saxe et critique l’idée, commune à Galilée et à Copernic comme à la plupart des Parisiens, que chaque astre constitue un monde à peu près indépendant, maintenu et régi en toutes ses parties par une gravité à lui propre. Aux multiples attractions astrales il substitue l’attraction universelle, aux mondes multiples le monde un. Toute masse matérielle, dit-il, tend vers une autre

  1. « Dire qu’en supposant la Terre en mouvement et le Soleil immobile, on sauve toutes les apparences mieux que ne le pourraient faire les excentriques et les épicycles, c’est très bien dire ; cela n’offre aucun danger, et cela suffit au mathématicien. Mais vouloir affirmer que le Soleil demeure réellement immobile… » Lire toute cette lettre à Foscarini dans D. Berti : Copernico e le vicende del sistema copernicano… Roma ; 1876, p. 121-125. — La conversation de Barberini [qui va devenir Urbain viii] avec Galilée a été rédigée par le cardinal Oregio, qui était présent [Oregius : De Deo uno, 1629, p. 194]. Nul doute que les haines encourues par Galilée n’aient concouru à sa condamnation. Voyez Favaro, Galileo e l’Inquisizione. Documenti… Firenze, 1907, in-4, 165 p.
  2. William Gilbert, 1540-1603, peut être considéré comme son précurseur. La Philosophie Aimantique, publiée seulement en 1651, prouve que Gilbert croit à l’unité de la dynamique, — tout en admettant que les astres forment des mondes régis chacun par sa pesanteur [gravité astrale, conçue comme l’action de l’aimant sur le fer], et animés chacun par une âme ; surtout, il montre que les planètes subissent, de la part du Soleil, une action normale au rayon vecteur qui va du centre du Soleil à la planète.