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donc clair que ce principe est erroné : les Jordan se sont trompés en croyant le découvrir… Ainsi s’explique la pauvreté des théories statiques d’un Guidobaldo del Monte ou d’un Giovanni Battista Benedetti [1530-1590].

Par bonheur, l’influence de ces réactionnaires fut combattue et refoulée par de vigoureux esprits. Tartaglia et Cardan se détestaient ; peut-être étaient-ils aussi malhonnêtes l’un que l’autre ; il est sûr, à tout le moins, que, sagement éclectiques, ils surent accueillir certaines idées des Jordan et de Léonard, tout en adoptant les méthodes mathématiques d’Archimède. Commandin réussit à déterminer le centre de gravité de divers solides. Simon Stevin de Bruges [1548-1620], surtout, ne croit pas que l’admiration d’Archimède lui commande le dédain de Léonard et des Jordan : il recouvre leurs communes conquêtes, notamment la loi d’équilibre du levier. Il démontre l’impossibilité du mouvement perpétuel et en déduit la loi d’équilibre d’un grave sur un plan incliné ; enfin ses merveilleux calculs déterminent très précisément la grandeur et le point d’application de la pression que supporte la paroi inclinée d’un vase de la part du liquide qu’il contient.

Pareillement, la dynamique se réveille. Un maître encore inconnu, dont le dominicain D. Soto [1494-1560] propage la doctrine à Alcala de Hénarès, puis à Salamanque, sait rapprocher les lois découvertes par Oresme et par Léonard, et montrer que le chemin parcouru en un mouvement uniformément varié est le même qu’en un mouvement uniforme de même durée, ayant pour vitesse la vitesse moyenne du premier. Soto lui-même remet en honneur l’idée parisienne qu’il y a proportion entre la vitesse de chute d’un grave et le temps de la chute. Scaliger [1484-1588], le célèbre jésuite Vasquez [1551-1604], Benedetti expliquent la chute accélérée des graves par l’accroissement continuel d’un impetus déposé en eux par la pesanteur ; c’est par le conflit d’un impetus analogue avec la gravité que Soto, Tartagiia et Cardan rendent compte du mouvement des projectiles, tandis que Giordano Bruno, se guidant sur N. Oresme, imagine une force composée de ce genre pour faire comprendre comment le mouvement de la terre n’empêche pas un grave de paraître tomber selon la verticale.

L’astronomie ne reste pas en arrière. Les polémiques furieuses où s’opposent Aristotéliciens de toute nuance et Ptolé-