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Dieu a donné aux mondes la chiquenaude initiale. Ces mondes sont multiples : le soleil et les étoiles ont reçu une nature très analogue à celle de notre globe ; tous les corps tendent à se réunir à leurs élémens constitutifs, et cette tendance, comme l’a vu Oresme, est leur mouvement naturel ; les plus légers se disposent au-dessus des plus lourds, le mouvement du tout tendant vers le circulaire et toute figure aspirant à la forme sphérique. Notre science abstraite n’a, du reste, qu’une valeur relative : elle ne saisit pas l’indivisible et infinie Vérité.

Nicolas de Cues avait étudié à Padoue aussi bien qu’à Heidelberg ; ici et là, il avait également pu se familiariser avec les doctrines de Buridan et d’Albert de Saxe ; durant le cours du xve siècle, l’Italie s’offrait à celles-ci comme l’Allemagne. Mais il est constant que, si les Italiens les connurent aussi bien que les Allemands, ils hésitèrent beaucoup plus à les suivre. Était-ce l’orgueil de leur passé et comme une espèce de piété filiale qui les retenait ? Était-ce une autre cause ? Le fait est que, dès le début du xive siècle, l’université de Padoue passait pour le champion d’Aristote et du Commentateur, pour la place forte de l’Averroïsme, comme on disait depuis quelque cinquante ans. Blaise Pelacani de Parme († 1416) cherche à concilier avec le Péripatétisme la statique des Jordan. Le fameux ermite de Saint-Augustin qui rédigea le plus répandu des traités de philosophie, Paul Nicoletti de Venise († 1429), hésite parfois entre « l’opinion moderne » et la théorie des anciens ; mais c’est le système d’Albert de Saxe qu’il suit en général. Son disciple Gaëtan de Thiène († 1465) explique comme Buridan le mouvement des projectiles, mais non pas la chute accélérée des graves. Nicolò Vernias enfin et Alessandro Achillini (1463-1512) rejettent le plus souvent les doctrines de Paris et celles mêmes de Ptolémée pour soutenir celles du Stagirite et d’Averroès : ils négligent d’étudier la chute accélérée des graves ; ils s’ingénient, en revanche, a expliquer des faits inexistans, par exemple l’accélération des projectiles au début de leur course. Ils abandonnent en général la théorie parisienne qui refuse toute valeur absolue aux théories physiques : si Pontano (1426-1503) et Silvestre de Prierio (1515) lui restent fidèles, Achillini et Capuano restaurent, au profit de théories contradictoires du reste, l’objectivisme dogmatique du Lycée.

C’est à cette tradition corrompue que puise l’homme extra-