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fois même reviennent-ils tout à fait à Aristote : tels, le franciscain Nicolas de Orbellis et le dominicain Jean Versoris !

Quel écart, encore, entre le prestige de l’Université de Paris au milieu du xive siècle et la situation qui est la sienne cent ans plus tard : quelle déchéance ! Le grand schisme [1378-1448] signifie avec brutalité l’effort à demi victorieux des royautés nationales pour profiter du discrédit de la papauté et régenter l’Église universelle ; cet effort entraîne le demi-démembrement de celle-ci ; et la France, qui porte une si lourde responsabilité en cette affaire, en pâtit plus qu’aucune autre. L’Université de Paris cesse d’être le cerveau de la chrétienté, la lumière du monde : elle s’abaisse au rang d’une université nationale ! Et les atroces guerres civiles des Armagnacs et des Bourguignons, les désastres et les humiliations de la guerre anglaise, les pilleries des Routiers, la désolation universelle, tout concourt à en diminuer la puissance et à en atténuer l’éclat.

Il faut sortir de France pour trouver des représentans de la Science parisienne dignes du triumvirat génial de ses fondateurs. En 1378, lorsque la royauté de Paris, profitant de la criminelle lâcheté de quelques cardinaux, s’essaye à disputer à la nation italienne, qui l’a su reconquérir, la possession et l’exploitation de la papauté, beaucoup de maîtres de l’Université hésitent à obéir ; la pression à laquelle ils sont en butte, si elle fait céder, un temps, le plus grand nombre, révolte quelques-uns, qui en prennent occasion pour partir. Ainsi quittent notre sol Marsile d’Inghen et Henri de Hesse. Marsile a été recteur ; c’est, aux environs de 1380, le professeur de Paris le plus en vue ; il s’établit en la jeune université de Heidelberg. Henri de Hesse joue un rôle analogue, sans doute même plus considérable, à l’université de Vienne que fondent alors les Habsbourg. Par eux se répandent en Allemagne les doctrines élaborées par Buridan et ses disciples ; elles y prospèrent bientôt. À Ingolstadt, par exemple, et à Tübingen, Frédéric Sunezel et surtout C. Summenhard enseignent, vers 1500, la dynamique de l’impetus. À Vienne, Georges de Peurbach (1423-1461) et son élève Jean Müller de Kœnigsberg (1436-1476) continuent l’effort des astronomes parisiens. La théorie des Planètes du premier présente sous une forme synthétique et déductive la doctrine de l’Almageste ; le système de Ptolémée inspire ses recherches et celles de ses élèves ; ils construisent des appareils, calculent des