Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 16.djvu/364

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

priétés des pôles magnétiques, les actions que ces pôles exercent les uns sur les autres, l’influence que la terre leur fait éprouver (1269).

Cependant, les astronomes s’acharnent à observer les phénomènes célestes, et ils réfléchissent sur leurs nouvelles conquêtes. Guillaume de Saint-Cloud sait mesurer (1290), avec une exactitude minutieuse, l’obliquité de l’écliptique et la date de l’équinoxe du printemps ; il déniche les erreurs qui déparent les Tables de Tolède établies par Al Zarkali. Le roi de Castille, Alphonse x le Savant, groupe un collège d’astronomes qui expliquent à leur façon la précession des équinoxes ; leurs Tables Alphonsines fournissent leur point de départ aux observateurs parisiens de la première moitié du xive siècle, tels que Jean de Linières ou Jean de Saxe.

« Maîtres des poids » et opticiens, magnéticiens et astronomes, ces quatre groupes de savans, dont Jordan de Nemore et Thierry de Freiberg, Pierre de Maricourt et Alphonse de Castille représentent symboliquement l’effort, — ils ont tous accumulé patiemment, au cours du xiie et du xiiie siècle, une foule de données heurtant de mille manières les thèses du Stagirite. Et c’est à l’expérience qu’ils les doivent ; et l’expérience, j’insiste sur ce fait, les amène à concevoir un type de certitude tel qu’ils ne peuvent plus renoncer à ce qu’ils ont vu, touché, mesuré, compris, bien que les dogmes d’Aristote leur conseillent cette attitude, et quel que puisse être par ailleurs le prestige d’Aristote et de son commentateur. — Voilà la première force qui a brisé le péripatétisme.

Voici la seconde. La foi chrétienne ne paraît pas s’accommoder aisément de ce puissant système. Beaucoup de Pères de l’Église, qui pourtant sont des Grecs, lui témoignent une hostilité non dissimulée : il a soutenu l’offensive arienne contre la foi traditionnelle ; il pousse les esprits à exiger, en théologie, des précisions difficiles, dangereuses. Plus tard, lors de la résurrection du christianisme et de la civilisation en Occident, au temps de Grégoire vii et de saint Bernard (1049-1153), l’Église tolère bien sa logique, mais elle condamne avec insistance sa métaphysique et sa physique en 1210, en 1213, en 1263 : le 7 mars 1277, je le rappelle, l’évêque de Paris, Étienne Tempier, anathématise explicitement plus de 200 propositions où tout l’Aristotélisme était contenu. Tempier et ses amis se