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prudente et modeste les conclusions des recherches profondes qu’il fit sur le sujet qui nous occupe, conclusions qui sont de nature à rallier la majorité des esprits positifs, et qui peuvent se résumer ainsi : Il y a actuellement dans le monde sensible une tendance générale à la dissipation de l’énergie mécanique, et on peut considérer cette tendance comme constante dans le temps, à moins que des phénomènes n’aient eu lieu ou ne soient destinés à avoir lieu, qui sont impossibles sous l’empire des lois auxquelles sont soumis les phénomènes connus qui ont lieu actuellement dans le monde matériel.

Parmi les phénomènes nouveaux qui ont été découverts depuis que lord Kelvin a développé ces conclusions, on a cru un moment que la radio-activité était de nature à infirmer celles-ci. Il n’en est rien, comme Henri Poincaré notamment l’a montré, et l’emprunt d’une partie des énergies de l’Univers aux matériaux radio-actifs ne paraît guère pouvoir avoir d’autre effet que de « prolonger un peu le malade. » La découverte de la radio-activité a surtout, sinon seulement prouvé que, grâce aux quantités d’énergie immenses emmagasinées dans les atomes et qu’on ne soupçonnait pas, l’univers recèle une faculté de travail, une vitalité énorme et dont il était impossible de se rendre compte auparavant. Comme l’écrivait, il y a quelques jours encore, un grand physicien allemand, M. Nernst, l’Univers aura sans doute, malgré la radio-activité, un « crépuscule des Dieux. »

Pourtant on peut entrevoir, avec M. Nernst lui-même et plusieurs autres savans éminens, une planche de salut, si on admet l’existence d’un processus antagoniste de la dégradation radio-active. De plus en plus en effet, tout tend à prouver que les atomes chimiques, qui sont les granules élémentaires de l’Univers, ne sont peut-être que des modalités particulières de cette substance que nous appelons l’éther lumineux, — substance hypothétique et dont l’existence est pourtant la plus grande sans doute des certitudes humaines, puisque sans elle nous ne recevrions pas la chaleur et la lumière du soleil, source et flambeau de toute vie terrestre. D’autre part, il est possible que, dans ce milieu comparable à un gaz extrêmement subtil, se réalisent parfois comme dans les gaz eux-mêmes, d’après la théorie cinétique, tous les arrangemens même les plus improbables et ainsi se reconstituerait de temps en temps, et peut-être dans les conditions particulières de température et de pression qui existent au centre des astres, des atomes radio-actifs.