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déconcerté ; il connaît l’histoire parlementaire ; il y a vu plus d’une fois un ministère arriver à la vie presque expirant et reprendre peu à peu assez de forces pour fournir une longue et utile carrière. Cela est vrai surtout des ministères qui ont la bonne fortune de représenter une cause parfaitement claire aux yeux de l’opinion et qui met en jeu non seulement des intérêts certains, mais des sentimens profonds. Il en a été ainsi l’année dernière pour le ministère Poincaré et il en est de même aujourd’hui pour le ministère Barthou. Les radicaux socialistes ont fort bien senti qu’au point où ils s’étaient placés, M. Poincaré hier et naturellement M. Barthou échappaient à leurs atteintes. De là leur exaspération, produit naturel de leur impuissance. Ils ont accusé le ministère de jouer du péril extérieur pour assurer sa solidité intérieure, reproche facile, mais injuste : le ministère pouvait-il nier un péril trop évident, sans tromper le pays et sans l’endormir dans une fausse sécurité ? Il aurait été bien coupable s’il l’avait fait. Il a préféré dire les choses comme elles sont et proposer les mesures qu’elles comportent, en quoi il s’est trouvé avoir pris une situation très forte : toutes les fois qu’on a essayé jusqu’ici de l’y ébranler, on l’a consolidé avec des majorités de plus en plus imposantes, au point que ce ministère si débile à sa naissance et dont nous avons entendu si souvent annoncer la mort certaine et prochaine, continue de survivre à tous les assauts. Il le doit, nous le constatons volontiers, à la netteté et à l’énergie de ses déclarations. Son chef, M. Louis Barthou, avait montré jusqu’ici un talent souple, facile et brillant qu’il avait exercé sur des sujets et dans des ministères divers, mais il n’avait pas fait preuve, sans doute parce que l’occasion lui avait manqué, de la fermeté résolue et, qu’on nous passe le mot, de la crânerie d’allure qu’on lui voit depuis qu’il a toute la responsabilité du pouvoir. Dans plusieurs circonstances, il a su dire le mot juste, qui était le mot courageux et il a tenu le langage d’un chef de gouvernement. Il a percé à jour le jeu de l’opposition à travers les prétextes dont il s’enveloppait. Pourquoi les attaques continuelles dont le gouvernement a été harcelé ? Parce que ce gouvernement a pris en main la cause du service de trois ans et s’est promis de la faire aboutir. Voilà ce qu’il fallait dire et ce qu’a dit M. Barthou. Ainsi la loi militaire qui semblait devoir faire sa faiblesse fait-elle sa force. L’opposition commence à se rendre compte que ce n’est pas sur cette loi qu’elle le renversera, et elle cherche un autre terrain de combat ; mais le gouvernement l’y suit, la démasque une fois encore, dénonce ses intentions véritables, invoque la question politique qui