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des anciens ministres radicaux, votera la seule loi qui puisse assurer au pays la plénitude de sa sécurité et de son autorité.

Le pays, si on en juge par de nombreux témoignages, accepte la loi de trois ans avec plus de facilité que ne le fait le Parlement : cela vient sans doute de ce qu’il est moins divisé en coteries ambitieuses et qu’il lui importe peu que M. Caillaux soit ministre à la place de M. Barthou. Son salut seul l’intéresse. Il n’éprouve sans doute aucun enthousiasme pour une loi qui sera très lourde sur ses épaules, mais il se soumet à la nécessité. Si la Chambre refuse au gouvernement les moyens de défense qu’il déclare indispensables, la responsabilité lui en appartiendra donc tout entière : on ne pourra pas dire cette fois qu’elle a été suggestionnée par le pays. Mais elle comprendra son devoir. Elle a ressenti profondément, douloureusement, ce qu’il y a d’inquiétant et d’humiliant dans les manifestations militaires de ces derniers jours : à la première émotion qu’elle en a éprouvée, a succédé un sentiment d’irritation contre les fauteurs du désordre et elle sait fort bien où ils sont. Le 25 mai, devait avoir lieu, à ce qu’on appelle le mur des fédérés au Père-Lachaise, la manifestation annuelle que la faiblesse gouvernementale a pris l’habitude de tolérer. La glorification de la Commune est celle d’un crime monstrueux qui n’a pas été trop sévèrement puni, et, s’il faut faire la part des entraînemens irréfléchis que la fièvre du siège a provoqués chez beaucoup de malheureux, ce n’est pas une raison pour en perpétuer le souvenir et en fausser le caractère dans l’imagination des foules. Quoi qu’il en soit, le gouvernement ne s’est pas mépris sur le danger particulier que la manifestation présenterait cette année, et il l’a interdite. Naturellement, une interpellation a eu lieu à la Chambre ; M. le ministre de l’Intérieur y a répondu. On accusait le gouvernement de supprimer le droit de réunion ; M. Klotz a protesté du contraire, mais il a déclaré qu’il ne tolérerait pas le moindre désordre dans la rue ; or il y avait lieu de craindre que le désordre ne sortît de la manifestation annoncée. La discussion a été ce qu’elle devait être, violente et creuse de la part des socialistes, ferme de la part du ministère, peu importante en somme et seulement significative par le vote qui l’a terminée. L’attitude du gouvernement a été approuvée par 193 voix de majorité. On voit que cette majorité augmente à mesure que le gouvernement se montre plus résolu. Il l’a été dans cette circonstance : cependant il aurait pu l’être encore davantage. Les socialistes ont annoncé que, ne pouvant pas aller manifester au Père-Lachaise, ils le feraient au Pré-Saint-Gervais, large prairie qui