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entre le Monténégro, la Russie et l’Italie : la diplomatie autrichienne a réussi à les détendre, à les dénouer, peut-être à en briser quelques-uns. Ce n’a pas été, bien entendu, sans faire des sacrifices en manière de compensations. Dans l’idée de créer une Grande Albanie, l’Autriche avait voulu lui attribuer Ipeck, Prizrend, Diakoya : elle a successivement abandonné à la Serbie chacune de ces villes. Sa résistance sur la dernière a été très longue, acharnée même : hier encore, on se demandait si elle ne serait pas insurmontable. Finalement, l’Autriche a cédé : elle s’est rendu compte qu’elle jouait un jeu dangereux et que Diakova ne valait pas la peine qu’elle se donnait pour la conserver à l’Albanie. Obtenir gain de cause au sujet de Scutari était plus important pour elle comme pour la future principauté.

Ces résultats, qui sont considérables, ont été lentement, patiemment acquis à la réunion des ambassadeurs à Londres. On l’a quelquefois accusée d’impuissance ou d’inertie : reproche injuste, comme l’événement l’a prouvé. Dans un discours récent qu’il a prononcé devant la Chambre des Communes, sir Edward Grey a rendu plus de justice à la réunion qu’il avait présidée. Elle a poursuivi deux buts principaux et les a atteints. Le premier consistait à maintenir toutes les Puissances en quelque sorte dans le rang, de manière qu’aucune d’elles, malgré la diversité d’importance des intérêts qu’elles représentaient, ne prit des initiatives séparées et ne les exécutât isolément. Le renoncement qu’elles avaient consenti à tout avantage territorial avait rendu cette réserve possible, sinon toujours facile. Quand même la réunion des ambassadeurs n’aurait pas eu d’autre résultat, il faudrait encore lui savoir gré de celui-là. Elle en a eu un autre : l’action des ambassadeurs se produisant tantôt sur l’Autriche, tantôt sur la Russie, tantôt sur d’autres puissances, les a finalement mises toutes d’accord sur les limites à donner à l’Albanie au Nord et au Nord- Est. Il reste à faire la même opération au Sud, mais on y réussira : les principales difficultés sont résolues. Les choses en étaient à ce point lorsque l’Autriche a paru sortir de la ligue commune où toutes les Puissances s’enfermaient. Peut-être y a-t-il eu là une apparence plus encore qu’une réalité : en effet, ni la Russie, ni l’Italie, ni personne n’a protesté lorsque l’Autriche a appuyé d’une démonstration dans la mer Adriatique l’espèce d’ultimatum qu’elle a adressé au Monténégro. Cet ultimatum portait sur plusieurs points : le plus important était l’obligation imposée au Monténégro d’interrompre le siège de Scutari pour permettre à la population civile de sortir de la place. Le Monténégro a cédé et ne pouvait pas faire autrement. Le siège de