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Notre situation est la même avec l’Italie qu’avec l’Espagne ; nous sommes aussi ses voisins en Europe et en Afrique ; le moindre dissentiment entre elle et nous jetterait une ombre sur le Nord de l’Afrique et sur la Méditerranée. M. le marquis di San Giuliano, ministre des Affaires étrangères du gouvernement italien, le sait mieux que personne et il ne l'a certainement pas oublié dans le récent et très éloquent discours qu’il a prononcé devant la Chambre des députés, bien que quelques-unes de ses expressions nous aient un peu étonnés. Il a parlé de la Méditerranée comme d’une mer qui n’appartenait à personne sur un ton qui donnait à croire que quelqu’un aurait pu avoir la prétention d’y étendre son hégémonie, mais que l’Italie ne le permettrait pas. Est-ce pour combattre cette chimère qu’il a fait allusion à un traité à conclure entre l’Italie et l’Espagne ? Non sans doute, et on a expliqué depuis qu’il ne s’agissait que d’un traité destiné à régler la situation des Italiens dans le Maroc espagnol, où il n’y en a pas beaucoup, et des Espagnols dans la Tripolitaine, où il n’y en a pas davantage. Le traité réglerait aussi, paraît-il, les intérêts commerciaux des deux pays. Réduit à ces proportions, il ne peut porter ombrage à personne, mais la chaude éloquence de M. di San Giuliano avait paru lui en donner de plus étendues. Elle avait semblé esquisser tout un plan méditerranéen à propos duquel l’Espagne et l’Italie auraient à s’entendre. Ce sont là des vues qui peuvent conduire loin.

L’Espagne a-t-elle besoin d’alliances et, si elle en a besoin, quelles sont celles qu’elle doit préférer ? La question est trop vaste pour être traitée ici : nous nous contenterons de dire, comme une vérité d’ordre général, que c’est surtout avec ses voisins qu’il importe d’être en bons termes. L’Espagne, depuis de longues années, n’a pas eu à regretter de nous avoir pour voisins en Europe : il en sera de même en Afrique, maintenant surtout que nos positions respectives sont nettement établies. Toutefois, avouons-le, les traités les mieux faits ne sont rien sans les intentions qui les animent. M. Jonnart a profité de l’occasion qui s’offrait à lui de faire connaître les nôtres, et le bon accueil que son discours a reçu de l’autre côté des Pyrénées montre que nous pouvons compter sur une amicale réciprocité.

Francis Charmes.


Le Directeur-Gérant,
Francis Charmes.