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voulu à la présidence de la République un homme qui eût donné des preuves d’une intelligence supérieure et d’un grand sang-froid dans la poursuite de ses desseins. Il s’est attaché à M. Poincaré et il en espère beaucoup. Cette espérance explique l’accueil que Paris lui a fait. Aussitôt après avoir pris possession de ses fonctions, il s’est rendu à l’Hôtel de Ville. Une foule nombreuse s’est pressée sur son passage et l’a acclamé, plus que ne l’avait été aucun de ses devanciers. La satisfaction de tous était évidente, mais dans cette satisfaction il y avait de l’attente. Il ne faut pourtant pas demander à M. Poincaré plus qu’il ne peut faire. Ceux qui ont cru qu’il lui suffisait d’entrer à l’Elysée pour que la situation générale fût changée comme par enchantement se sont exposés à quelque déception. De semblables transformations ne s’opèrent pas en un jour, quelque bonne volonté qu’on y mette. Ce serait rendre un mauvais service à M. Poincaré que d’entretenir autour de lui de semblables illusions. Sans doute son influence personnelle, son autorité, sa connaissance des affaires, la longue pratique qu’il a des choses et des hommes parlementaires produiront un effet utile et qui, peu à peu, deviendra sensible ; mais, pour qu’il en soit ainsi, la collaboration du temps est indispensable. Tout ce qu’on peut demander à M. Poincaré est de le bien employer, non pas de s’en passer. La bonne politique est un travail de patience.

Le premier acte du nouveau président a été un Message qu’il a adressé aux Chambres et qui a été lu simultanément, au Palais-Bourbon par M. le président du Conseil, au Luxembourg par M. le ministre de la Justice. Ce Message a produit sur l’opinion un effet excellent ; il est conçu en termes sobres et précis dans lesquels on retrouve toutes les qualités d’esprit de son auteur. M. Poincaré a énuméré les principales réformes que le gouvernement de la République a faites dans ces derniers temps et dont quelques-unes sont restées incomplètes et devront être complétées. Il a usé intentionnellement d’expressions un peu générales quand il a parlé de la nécessité de mettre encore plus de justice dans l’impôt, ou de perfectionner l’instruction publique en la développant davantage. Tout cela est d’ailleurs passé sans difficulté devant la Chambre ; mais, quand le Message a fait allusion à la loi électorale, un frisson a couru sur les bancs radicaux- socialistes, et même quelques protestations s’y sont élevées. Les radicaux ont écouté tout le reste dans un silence glacial, les bras croisés et les traits immobiles. Le document a été au contraire très applaudi au centre, à droite, sur quelques bancs à gauche. La dernière partie semblait de nature à obtenir une adhésion unanime. M. Poincaré y a parlé,