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don Enrique, Zoraya se déclare seule coupable de magie et d’ensorcellement. Condamnée au bûcher, nous l’y voyons, et son amant désespéré l’y voit avec nous conduire, lorsque le père de la demoiselle endormie vient implorer de Zoraya, lui promettant la vie sauve, le réveil de sa fille. La jeune personne est aussitôt apportée et réveillée. Mais la foule, qui n’a rien promis, réclame le supplice de la païenne, et se dispose à y procéder. Pour s’y soustraire, il ne reste plus à Zoraya que le moyen classique, dont elle use : avec Enrique, impuissant à la sauver, elle partage la fiole de poison, — à moins que ce ne soit une pastille, — qui met fin d’ordinaire aux histoires comme celle-là.

Les histoires comme celle-là sont peu faites pour la musique en général et ne la méritent guère. La musique particulière ajoutée à ce mélodrame n’a rien de dramatique et rien non plus de mélodieux. Dramatique, elle affecte, elle s’efforce de l’être, bruyamment et plus lourdement encore. Elle est épaisse et surchargée. Un profane, qui l’écoutait avec nous, déplorait qu’il n’y eût rien dans le chant : il avait raison. Mais il avait tort de croire que dans l’orchestre il « devait y avoir quelque chose. » Non, rien du tout. C’est en vain que cet orchestre s’enfle et se travaille, en vain qu’il « donne » toujours et tout entier. Il est parfaitement inutile de mobiliser un orchestre au grand complet aussi bien pour un détail infime, un mouvement de scène, un mot à dire, que pour une péripétie capitale, dramatique ou lyrique. L’erreur, une des erreurs d’aujourd’hui, consiste dans cette plénitude ou cette pléthore continue de la soi-disant symphonie. Entre les plans, entre les valeurs, plus de rapports ni de proportions désormais. Tout est prodigué, rien n’est ménagé, réservé, retenu. Autant que de la discrétion, c’en est fini de la justesse, au moins de la justesse verbale, les notes ayant toujours l’air d’avoir été choisies, non pour exprimer les paroles, mais pour les contredire. Ainsi, quand on écoute aujourd’hui certaine musique, on peut se demander par où elle pèche davantage : par l’encombrement dans l’ordre prétendu symphonique, ou, dans l’ordre de la déclamation, par l’impropriété.

À l’Opéra-Comique, hier, la Danseuse de Pompéi ; aujourd’hui, la Sorcière… « De quoi demain sera-t-il fait ? » Le passé, le présent, l’avenir sont également sombres.


Un rayon cependant a brillé : non pas au théâtre, mais au Conservatoire il y a quinze jours, pendant l’exécution d’un concerto de Chopin par M. Paderewski. Ce fut une heure d’enchantement sonore. Oui, rien que dans l’ordre de la sonorité, que dis-je, de toutes les