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L'esprit chenu de nos forêts,
L'âme pensante des vieux hêtres
Émigra dans le corps des hommes les plus saints,
Ainsi commença la race des prêtres.


Lors de l'apparition de Fervaal, certain critique avait trouvé qu'en d'autres termes, plus familiers, cela revenait à ceci : au pays de Cravann, les militaires étaient les petits-fils d'un serpent et les ecclésiastiques descendaient des arbres. Et sans doute il y a dans cette interprétation quelque chose de superficiel et de frivole, mais quelque chose aussi d'ironique et de vengeur. Oh ! les nuées, les nuées, et la race des nuées ! « Dès le premier âge du monde… Vers le deuxième âge du monde. » Quelles appréhensions ne manque pas de nous causer, par deux fois, un pareil début ! Et comme la suite, chaque fois, les Justifie ! Théogoniques ou cosmogoniques, des histoires de cette nature, et de cette longueur, ne purent être conçues que par une imagination wagnérienne, et c'est d'une patience wagnérienne aussi qu'il faudrait être doué pour en soutenir le récit.

Le wagnérisme de la musique en cette affaire égale au moins celui de la poésie. L'armature thématique de Fervaal est fabriquée de main de maître, d'une main dont on ne sait qu'admirer davantage, ou la vigueur, ou, par momens, la légèreté. Si quelqu'un souhaite de connaître, ce qui s'appelle connaître, à fond et par le menu, le système ou le réseau des, leiimolive dont se compose Fervaal, que celui-là se reporte à l'ineffable Étude thématique et analytique de Fervaal, publiée autrefois par MM. Pierre de Bréville et Henry Gauthier- Villars. Voilà le guide par excellence, le modèle du catalogue, l'idéal du prospectus. Le gros et le détail, tout y est marqué, sauf les prix. Vous apprendrez là que « de hautes questions, de graves problèmes apparaissent dans Fervaal comme autant de soleils entourés de nuées. » On vous accorde heureusement que « leurs rayons ne parviennent que tamisés, opalins, aux sens des auditeurs et des lecteurs. » Vous trouverez encore dans ce programme officiel l'explication de la pièce et de la musique, avec le nom de tous les motifs et leur numéro. Il y en a ringt-sept en tout, sans compter les sous-motifs dérivés, et les mélanges ou combinaisons de motifs. Ainsi le commentaire de Fervaal achève de nous rendre sensible, et par momens fâcheuse, la présence constante et comme l'ubiquité, dans l'œuvre de M. d'Indy, de l'un des élémens ou des fermens principaux de l'esprit wagnérien.

Et ce ferment peut-être a perdu quelque chose non seulement de sa nouveauté, mais de son énergie. Il semble que l'abus de cette forme