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M. Poincaré et les radicaux-socialistes l’ont triomphalement proclamé le candidat du parti républicain. Aussitôt un certain nombre de radicaux-socialistes, ayant à leur tête M. Clemenceau et M. Monis, sont allés faire la plus étrange démarclie auprès de M. Poincaré : invoquant la discipline républicaine, ils lui ont demandé de retirer sa candidature et de céder la place à M. Pams. Mais M. Poincaré s’est refusé à jouer le rôle passif du guillotiné par persuasion, et la démarche des radicaux-socialistes a été accueillie, en dehors de leur parti, par un éclat de rire. A partir de ce moment, le résultat du Congrès était certain : M. Poincaré était élu.

Son succès a été très brillant, et la nouvelle en a été accueillie partout, en France et au dehors, avec une grande faveur. Le concert a été unanime ; il n’y a pas eu une note discordante. Bien que son ministère n’ait pas duré longtemps, M. Poincaré y a fait si bonne figure que les imaginations mêmes se sont éprises de lui comme d’un homme dont il y avait beaucoup à attendre et dont effectivement on attendait beaucoup. Son ministère avait été très bien formé. Grâce à la confiance qu’il inspirait déjà, M. Poincaré avait su, il avait pu y réunir, en les prenant dans des portions un peu différentes du parti républicain, quelques-uns des hommes les plus distingués du Parlement. La situation avait été périlleuse et elle restait grave ; les ministères qui avaient immédiatement précédé y avaient paru inférieurs ; l’opinion était inquiète, énervée, irritée ; on sentait qu’il y avait beaucoup à réparer. A peine quelques jours s’étaient-ils écoulés qu’on a respiré une atmosphère nouvelle. Le ton même du gouvernement était changé ; il était devenu plus net et plus ferme ; on sentait qu’un esprit plus vif et plus résolu l’animait. De tout cela le pays avait une impression dont il n’aurait probablement pas pu analyser les causes, mais qui était très forte. Le besoin de régénération et de relèvement était si grand chez lui qu’il a voulu le croire satisfait, un peu vite peut-être, car il faut longtemps pour remédier à des mœurs invétérées ; mais on savait gré au nouveau ministère de l’empressement patriotique avec lequel il s’était mis à la tâche. Au dehors, M. Poincaré lui-même s’était particulièrement appliqué, à côté de la guerre que ni lui ni personne n’avait pu empêcher d’éclater dans les Balkans, à maintenir du moins la paix générale, et il y avait réussi. Les initiatives qu’il avait prises avaient mis sa personnalité en relief et la France l’avait vu avec satisfaction sortir du cadre étroit où ses prédécesseurs s’étaient enfermés pour prendre la part qui devait lui revenir dans la politique générale. Quelques-unes de ses paroles, quelques-uns de