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ne lui donne pas seulement les restes auxquels la proportion des votes en sa faveur lui crée des droits, il les lui donne tous. Ce geste généreux tranche à la vérité une question embarrassante : nos lecteurs savent déjà combien ce problème de l’attribution des restes est difficile à résoudre équitablement. Mais est-ce une raison pour le supprimer ? Les partisans de la représentation vraiment proportionnelle protesteront ici. Ceux mêmes qui acceptent, à titre transactionnel, qu’on fasse bénéficier la majorité de ce qu’on a appelé une prime trouveront sans doute que la prime est exorbitante et ils n’auront pas tort. Toutefois, si le gouvernement insiste avec force, s’il présente cette prime comme la rançon de la réforme, s’il pose à ce sujet la question de confiance, ce sera le moment de se souvenir de ce qu’il a fait, contre vents et marées, pour faire aboutir la loi et de l’accepter comme l’arbitre d’une transaction difficile, où chacun doit abandonner quelque chose de son opinion et même de ce qu’il considère comme son droit, pour obtenir du voisin des sacrifices équivalens. M. Poincaré, dans son discours, a donné pour modèle aux fractions si divisées et subdivisées du parti républicain le ministère lui-même où il a réuni des hommes qui avaient et qui conservent au fond de l’âme, sur la réforme électorale, les opinions les plus opposées. Nous avons mis quelquefois ces oppositions en relief ; nous avons rappelé qu’avant d’entrer dans la même combinaison gouvernementale, M. Millerand, par exemple, s’était montré partisan presque violent de la représentation proportionnelle et que M. Bourgeois en avait été adversaire presque farouche. Cependant M. Poincaré a affirmé que le gouvernement « tout entier, » — et il a appuyé sur ce mot qui est entre guillemets à l’Officiel comme ici, — tenait à proclamer sa solidarité dans cette question qu’il considère comme intéressant au plus haut degré les destinées mêmes de la République. Voilà l’exemple à suivre, a-t-il dit. Sentant la nécessité de se mettre d’accord, les ministres se sont fait entre eux les concessions indispensables : que le parti républicain en fasse autant.

Le fera-t-il ? Il faudrait d’abord définir le parti républicain et préciser les limites étroites, artificielles, dans lesquelles on a l’habitude de l’enserrer. M. le président du Conseil aura avec lui d’excellens républicains qui ne portent pas l’estampille officielle, et contre lui d’autres républicains qui la portent. Un discours que vient de prononcer M. Combes montre ce qu’il faut penser sur ce point. M. Combes avait réuni ses amis dans un banquet dont la chaleur n’a pas été aussi communicative que d’habitude. C’était le banquet du parti radical et radical-socialiste, et le parti radical et radical-socialiste, depuis quelque