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a hésité sur le conseil à lui donner. Il a incliné d’abord à laisser la loi dans l’état où elle était et à évoquer la cause de la représentation proportionnelle devant le Sénat ; puis il a pensé, et il a eu sans doute raison, qu’il valait mieux que la Chambre amendât elle-même son œuvre. Les assemblées sont ombrageuses, surtout lorsqu’il s’agit d’une loi relative à leur propre recrutement : il fallait éviter toute apparence de vouloir forcer la main à la Chambre au moyen du Sénat. M. Poincaré a donc demandé le retrait de l’urgence qu’on avait imprudemment votée au commencement de la discussion. Sur ce point, tout le monde, ou peu s’en faut, a été d’accord, les uns, le plus grand nombre sans doute, parce qu’ils sentaient bien que la loi ne pouvait pas rester sans retouches, les autres parce qu’ils voyaient là le moyen de perdre du temps. Mais M. Poincaré s’est appliqué tout de suite, avec une louable franchise, à dissiper l’illusion de ces derniers. Le retrait de l’urgence lui permettait enfin de déposer un autre projet : il a annoncé l’intention de le faire sans délai et, s’adressant aux adversaires du projet : « Nous attendons, a-t-il dit, qu’ils nous attaquent franchement et à visage découvert... Quelles que soient du reste leurs intentions, nous les prévenons dès maintenant, en toute honnêteté, que s’ils nourrissent le dessein d’étouffer la réforme électorale, ils devront commencer par renverser le ministère. » Nous n’avons pas besoin de dire que ce langage, qui a soulevé les protestations de quelques-uns, a fait sur tous une vive impression. La Chambre l’a d’ailleurs approuvé en donnant au Ministère une très forte majorité.

Le projet annoncé par M. Poincaré était prêt : il a été déposé le lendemain de ce vote, et pour la première fois on s’est trouvé en présence d’un texte net et limpide. Puisse-t-il rester tel jusqu’à la fin ! En émettant ce vœu, nous n’entendons pas que le projet du gouvernement soit intangible et certainement il ne l’entend pas lui-même ainsi : il a annoncé l’intention de poser la question de confiance devant les deux Chambres, mais seulement sur les principes fondamentaux et sur les lignes générales de la loi. Ces principes sont les suivans : scrutin de liste, représentation des minorités, quotient électoral calculé sur le nombre des votans et non pas sur celui des électeurs inscrits, attribution des restes à la liste qui aura eu le plus de voix. Ces mots réveillent chez nos lecteurs des souvenirs dont quelques-uns sont devenus peut-être un peu confus : ce ne sont pas de très vieilles connaissances et, quand on n’entretient pas commerce avec elles, on risque de les oublier. Scrutin de liste, représentation des minorités, passe encore ; ces expressions se rapportent à des idées claires ; mais