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hâtons de le dire, les résultats n’ont pas répondu jusqu’ici aux espérances qu’on avait conçues. Le voyage de lord Haldane à Berlin n’en a pas produit de très appréciables, et les tentatives qu’on a renouvelées depuis n’ont pas été plus heureuses : nous n’en voulons pour preuve que le projet de loi militaire dont la discussion s’achève en ce moment au Reichstag. Le prix, en quelque sorte, d’un arrangement entre Londres et Berlin devait être, sinon une diminution sans doute impossible des projets de constructions navales, au moins le maintien du statu quo en Allemagne : or, si le nouveau projet comporte une augmentation considérable de l’armée de terre, ce qui est fait pour nous toucher, il comporte aussi une augmentation notable de l’armée de mer, ce qui est fait pour toucher l’Angleterre. Il y a là un symptôme certain que les négociations n’ont pas abouti. Est-ce la faute du comte Wolff-Metternich ? Ce diplomate, sous des dehors froids et des formes un peu rudes, ne manque ni de finesse ni d’habileté ; il a généralement bien servi les intérêts de son pays ; mais on attendait, on exigeait sans doute de lui plus qu’il ne pouvait faire. On lui tient rigueur de n’y avoir pas réussi.

Le baron Marschall de Bieberstein sera-t-il plus heureux ? Nous ne le saurons que plus tard. Les principes directeurs de la politique extérieure anglaise ont une grande fixité : ils ne changent ni avec les gouvernemens qui se succèdent, ni sans doute avec les ambassadeurs qu’on accrédite auprès d’eux. L’entente cordiale de la France et de l’Angleterre, aussi bien que le rapprochement amical de l’Angleterre et de la Russie ont fait leurs preuves de solidité. L’équilibre de l’Europe, qui est la meilleure garantie de la paix, repose aujourd’hui sur un système d’alliances et d’ententes dont le maintien est soumis à certaines exigences. Nous ne sommes pas de ceux qui le condamnent à une raideur exagérée : un peu de souplesse est nécessaire, et les Puissances qui forment l’un des deux groupemens en présence peuvent sans inconvénient, ou plutôt avec avantage, entretenir de bonnes relations avec celles qui forment l’autre, pour la conciliation de leurs intérêts communs ; mais il y a des limites qu’il serait dangereux de dépasser. Les Puissances qui forment la Triplice le sentent si bien que tout récemment le comte Berchtold, le nouveau ministre austro-hongrois successeur du comte d’Æhrenthal, parlant devant la Délégation hongroise, le constatait publiquement. Après avoir fait allusion au « réseau à mailles étroites d’accords et d’ententes entre les puissances appartenant aux mêmes groupemens ou à des groupemens différens, et qui. disait-il, compliquent forcément la situation internationale, »