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que chaque mouvement de nos troupes soit précédé d’un « accord » spécial avec le Sultan ? N’y a-t-il pas là, pour l’avenir, sinon un obstacle, au moins une gêne susceptible de limiter notre action ou de la ralentir ? Le traité du 30 mars dissipe ces craintes par son article 2 : le Sultan, en effet, y admet d’une manière préventive que le gouvernement français procède, « après avoir prévenu le Maghzen, » à toutes les occupations militaires qu’il lui plaira. Sur ce point, l’accord est donc consenti une fois pour toutes et le gouvernement allemand n’a rien à y redire : ses intentions ont été respectées. Nous trouvons ici mention du Maghzen. Déjà l’article 1er avait dit : « Le nouveau régime comportera l’organisation d’un maghzen chérifien réformé. » Quelques personnes, fort au courant des affaires marocaines, en ont conçu de l’inquiétude. Le Maghzen a une très mauvaise réputation et il l’a largement méritée. C’est une espèce de conseil de gouvernement dont les membres, vivant de vexations sur l’habitant et de lapines, n’ont pas médiocrement contribué à rendre odieux le Sultan qui les couvre. Va-t-on conserver ce Maghzen si légitimement déconsidéré ? On a beau répondre qu’il sera « réformé : » cette promesse ne rassure pas ceux qui voudraient qu’il fût supprimé. La question est de savoir par quoi on le remplacerait. On ne peut pas tout changer au Maroc du jour au lendemain ; une période de transition est inévitable ; au surplus, même si le Maghzen continue pendant quelque temps d’être composé des mêmes personnes, ces personnes ne seront plus moralement, sous notre protectorat, ce qu’elles étaient sous le gouvernement du Sultan, qui était pour elles comme une propriété d’exploitation. Il suffit qu’au Maroc le drapeau français sorl mis à côté du drapeau chérifien pour que beaucoup de choses y soient changées : à la vérité, elles ne peuvent pas l’être d’un seul coup.

Un protectorat a une double face, dont l’une regarde au dedans et l’autre au dehors : en d’autres termes, le gouvernement protecteur contrôle ou même dirige l’administration intérieure du pays protégé et, de plus, le représente auprès de l’étranger. Cette seconde condition est caractéristique du régime : les articles 5 et 6 du nouveau traité nous donnent à ce sujet toutes les garanties désirables. On y lit que le gouvernement français sera représenté auprès du Sultan par un commissaire résident général, dépositaire de tous les pouvoirs de la République au Maroc, et que ce commissaire sera « le seul intermédiaire du Sultan auprès des représentans étrangers et dans les rapports que ces représentans entretiennent avec le gouvernement marocain. » En d’autres termes, le commissaire résident