Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 8.djvu/909

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LA COMTESSE. — Ici ?

LE MARQUIS. — Oui... Eh ! à propos, c’est à vous.

LA COMTESSE. — A moi ?

LE MARQUIS. — Oui, mais ne l’ai-je pas dit, donc ?

LA COMTESSE. — Quoi ?

LE MARQUIS. — Que j’avais la plus grande envie de vous épouser.

LA COMTESSE. — Je ne sais pas. Quand ?

LE MARQUIS. — Aujourd’hui. Je ne suis venu que pour cela.

LA COMTESSE. — Je ne m’en souviens pas.

LE MARQUIS. — Mais à quoi donc pensez-vous ? Il me semble pourtant...

LA COMTESSE. — Dites.

LE MARQUIS. — Que je vous ai chanté un air de Silvie.

LA COMTESSE. — Venez, venez à la Comédie, vous en apprendrez d’autres.

LE MARQUIS. — C’est vrai cela, j’aime la musique et je retiens tous les airs.

LA COMTESSE. — Victoire, cherchez une chanson qui était sur ma toilette.

VICTOIRE. — Oui, madame.

LA COMTESSE, au marquis qui s’en va par une autre porte que celle par où l’on sort). — Où allez-vous donc, marquis ?

LE MARQUIS. — Ah ! c’est que je croyais être chez moi et j’allais... Je vous demande bien pardon.

LA COMTESSE. — Allons, allons-nous-en.


Les contemporains raffolèrent positivement de ces élégantes menuailles, où chacun, dans la petite cour ducale, trouvait un rôle suivant ses aptitudes ; Mme de Montesson, la comtesse de Lamarck ou Mme de Genlis, les jeunes premières et les coquettes ; Monseigneur, les paysans ; le comte de Valençay, le vicomte de la Tour du Pin et plus tard l’ « incomparable » M. de Caumartin, la « coqueluche des femmes, » les amoureux. Ce fut un engouement général, qu’ont certifié, nous l’avons vu, les témoins les plus autorisés. Carmontelle acheva de détrôner Collé dans la faveur des salons.

Ne voyons effectivement en lui qu’un auteur mondain, rien de plus, mais qui reste l’un des maîtres du genre, pour petit qu’il soit. Son théâtre, tout de circonstance, ne cherche qu’à distraire, sans prétendre à moraliser. Les historiens du XVIIIe siècle le consulteront avec profit. A la veille de la Révolution, le fantôme d’une société qui allait bientôt disparaître s’y évoque à chaque moment, avec ses goûts, ses préjugés, sa manière d’être et de sentir et jusqu’à son jargon à la mode.

Au surplus, ne devrions-nous trouver, au créateur de la comédie-proverbe, d’autre mérite que d’avoir précédé Musset,