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il s’arrêta deux jours à Villers-Cotterets et, deux jours durant, le vin coula des tonneaux pour qui voulait y boire des montagnes de victuailles s’engouffrèrent dans les estomacs paysans.

Un inventaire, daté du 11 mai 1759, et dressé par les soins de Me Petit, notaire, nous a conservé l’état du mobilier « garnissant les lieux et celui des communs. » il nous fournit d’intéressantes précisions sur l’opulence des demeures princières au milieu du XVIIIe siècle, luxe bien indigent, en vérité, et dont rougirait aujourd’hui le moindre de nos parvenus.

L’appartement le plus riche, la chambre ducale, à l’aile gauche du rez-de-chaussée, possède « une couchette à la polonaise, un fauteuil en brocatelle vert et or, deux en tapisserie de point d’Angleterre, soie et argent, un canapé et ses carreaux (coussins) de brocart or et soie, cinq pièces de tapisserie représentant l’histoire de Scipion. »

Le cabinet de travail qui s’y trouve attenant contient « une pendule de Thiourt l’aîné, dans sa boîte peinte en vert, un bureau long de six pieds en bois violet avec ornemens de bronze doré, deux fauteuils en maroquin vert, quatre bergères et quatre chaises en damas vert, les rideaux en taffetas vert. »

Quant au grand « salon de compagnie, » il est meublé « d’une garniture de feu en bronze doré, d’une pendule de Debeu à fleurs émaillées, d’un lustre à six bobèches en cristal de Bohême, quatre girandoles de grenailles, deux commodes à la reine, en bois violet satiné, une table de marbre seracolas, trois trumeaux sur la cheminée et, entre les fenêtres, un canapé à trois places, huit bergères, douze chaises couvertes en moire rayée à colonnes cramoisies et dessins flambés, les rideaux de même, trois tables de jeu et trictrac et un paravent à six feuilles couvert de toiles à fleurs. »

Le total de la prisée « avec les habits de comédie trouvés dans une armoire » est évalué par le tabellion soissonnais à 66 810 livres.

Il est vrai que la bibliothèque peu fournie, l’argenterie, les bijoux ni les tableaux ne sont compris dans cette somme. N’importe, en leurs appartemens du château ou leurs mansardes des communs, plus modestement garnies encore, les familiers du prince et les gens de sa Maison, le marquis de Barbanson, MM. de Montchenu, de Boisandré, de Scillouette, le chancelier