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LA NOUVELLE COUVÉE[1]
(LETTRES À FRANÇOISE)


LETTRE III[2]


Ambleuse, 5 septembre.

J’assiste en ce moment, ma chère nièce (et ce n’est pas le moindre attrait de mon séjour), à la péripétie du petit roman sentimental dont nous avions, — vous et moi, — feuilleté l’un passé les premiers chapitres.

L’an passé comme cette année, Sylvie Bertrand-Tasqué habita Rein-du-Bois durant le mois de septembre, Rein-du-Bois séparé d’Ambleuse par quelques arpens de charmilles. Sylvie avait quinze ans à peine : elle en paraissait au moins seize. Georges de Lespinat avait accompli depuis quelques semaines sa dix-septième année.

Si Georges avait été un de nos rhétoriciens de Paris, un Noël Laterrade plus mûr, et Sylvie une gentille caillette moderne, genre Blanche ou Madeleine Demonville, le voisinage aurait provoqué un estival et simple « flirt » comme la nouvelle couvée m’en offre, en ce moment, plusieurs exemples.

Mais la jeunesse de Georges fut solitaire, dans un vieux logis de famille, en tête à tête avec un père qu’il aime tendrement, sans avoir avec lui le moindre goût commun. Sylvie, fille d’un premier mariage du docteur Bertrand-Tasqué, et certes point malheureuse avec sa belle-mère, n’en a pas moins senti

  1. Copyright by Marcel Prévost, 1912.
  2. Voyez la Revue du 1er avril.