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repoussé ce chiffre le plus énergiquement. M. Asquith a-t-il tenu compte de cette circonstance ? A-t-il craint, après avoir rencontré l’opposition des uns, de s’exposer à celle des autres ? A-t-il été déterminé par des motifs d’un ordre plus élevé et tiré de la nature même des contrats ? Quel qu’ait été son motif, il a été inébranlable dans son refus d’introduire des chiffres dans la loi, et celle-ci a été votée, en seconde lecture, par 348 voix contre 225.

Était-ce la victoire pour le gouvernement ? Non, car c’est seulement à la troisième lecture qu’on discute les amendemens. M. Balfour en avait demandé l’ajournement à six mois et il avait été battu ; mais ce vote n’avait pas terminé la bataille, il avait décidé seulement qu’elle se continuerait. Une hésitation apparente s’est pourtant manifestée dans le Labour party dont le chef, M. Ramsay Macdonald, a laissé entendre que les ouvriers renonceraient peut-être à introduire dans le bill leur échelle de salaires, si on y admettait le chiffre de 5 shillings pour certains ouvriers adultes et de 2 pour les enfans : les comités de districts fixeraient ensuite, suivant les régions, le salaire des abatteurs. Aussitôt M. Asquith a demandé que la discussion fût suspendue. Il avait vu, ou cru voir dans cette suggestion la possibilité d’une entente et, si elle se faisait, peut-être pourrait -il lui-même retirer le bill qui n’était à ses propres yeux qu’un pis aller et un pis aller périlleux. Pourquoi les patrons et les ouvriers ne se mettraient-ils pas directement d’accord sur ces chiffres de 5 et de 2 shillings pour les adultes et pour les apprentis ? S’ils le faisaient, le bill serait sans objet, puisque les ouvriers semblaient maintenant consentir à ce que les comités de districts fixassent le chiffre des salaires pour les autres mineurs. Cette transaction pourrait-elle rallier les patrons et les ouvriers ? M. Asquith l’a espéré sans qu’on sache bien pourquoi, sinon parce qu’il est invinciblement optimiste. L’échec des tentatives antérieures rendait le succès de celle-ci peu vraisemblable. M. Asquith n’en a pas moins résolu de mettre une fois de plus en présence les représentans des deux parties et de leur conseiller la conciliation. Le résultat hélas ! a été désastreux. Il semble même que la réunion projetée n’ait pas eu lieu, l’union étant définitivement apparue comme impossible. Les patrons et les ouvriers ont montré en effet une égale intransigeance, les premiers refusant de fixer des chiffres que les comités locaux étaient seuls aptes à déterminer, les seconds continuant à demander que ces chiffres fussent incorporés dans la loi. Les dernières espérances de M. Asquith ont été dissipées, et il est venu faire part à la Chambre, avec une émotion profonde, du