Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 8.djvu/719

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

partout, car partout les matières combustibles abondent. Nous souhaitons vivement que les deux souverains qui viennent de se rencontrer à Venise aient découvert le moyen de ramener la paix ; mais s’ils n’y ont pas encore réussi, puissent-ils du moins avoir trouvé celui de Limiter le champ de la guerre et de l’empêcher de s’étendre démesurément.


Le monde est d’ailleurs troublé de plusieurs manières, et non seulement par des guerres politiques, mais par des conflits sociaux dont le caractère est peut-être plus menaçant encore : quel pays se flatterait, en effet, d’en être longtemps préservé ? La grève minière continue en Angleterre ; tous les efforts du gouvernement pour y mettre un terme ont échoué. Une grève du même genre a éclaté en Allemagne, en Westphalie ; mais là le gouvernement a pris des mesures rapides et énergiques pour assurer la liberté du travail et le maintien de l’ordre, et la grève a été de courte durée. Il y a même eu, en France, une grève de vingt-quatre heures, à titre de simple indication, incident négligeable dans le présent, qui pourrait devenir inquiétant dans l’avenir. Le monde du travail est partout en effervescence : mais c’est en Angleterre que le danger se manifeste le plus grand.

Nous en avons déjà parlé dans notre dernière chronique : nous avons dit que M. Asquith avait menacé les patrons de déposer un bill en faveur du salaire minimum, s’ils se refusaient plus longtemps à en admettre le principe après que le gouvernement l’avait admis. Le gouvernement l’avait admis sans peine, car cela ne lui coûtait rien ; il n’en était pas de même des patrons ; cela coûtait beaucoup, au contraire, à certains d’entre eux, notamment aux Écossais et aux Gallois qui, malgré leurs sympathies pour le ministère radical, refusaient d’écouter ses conseils et de s’y conformer. M. Asquith sentait bien que le vote d’un pareil principe serait un précédent des plus dangereux : substituer la volonté du législateur à la liberté du contrat entre patrons et ouvriers était un acte grave qui risquait d’avoir plus tard des répercussions dans les autres industries : M. Asquith s’en rendait si bien compte qu’il demandait qu’on éloignât de lui ce calice, tout en assurant qu’il le boirait, s’il le fallait, jusqu’à la lie. Un gouvernement radical ne saurait se passer de la clientèle politique du Labour party, et c’est de son côté qu’il penche naturellement lorsqu’un conflit éclate entre ouvriers et patrons. Ceux-ci ont donc résisté, non pas en majorité, mais avec une forte minorité de 35