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qu’à Rein-du-Bois les heures des repas ne sont point tyranniques. On aurait bien de la peine à arriver en retard.

Comme nous regagnions cependant la maison d’un bon pas, Simone me demanda le plus naturellement du monde :

— Mon oncle, est-ce que les petits enfans viennent dans des œufs, comme les petits poulets ?

— Non, répondis-je (sans marquer le moindre embarras, car il y a longtemps que j’ai prévu cette question). Les petits enfans viennent tout sortis de l’œuf, comme les petits chats.

— Et alors, comment ?

— Je t’expliquerai cela quand nous ferons de l’histoire naturelle. En ce moment, ni toi ni Pierre ne pourriez comprendre.

Aucune objection ne fut opposée à cette réplique dilatoire ; Pierre et Simone y sont accoutumés. Cependant Pierre demanda encore :

— Est-ce qu’on peut mettre les petits enfans dans des couveuses ?

— Certainement. Dès la rentrée à Paris je vous mènerai voir des petits enfans en couveuse.

— Des petits enfans vivans ?

— Très vivans.

On atteignait la maison. Mes deux disciples me quittèrent, l’esprit en paix… Cependant, ils grandissent ; un jour viendra où je ne pourrai pas répliquer : « Vous ne comprendriez pas ma réponse ! » Je serais un éducateur bien imprévoyant, si je n’avais pas médité sur la réponse définitive qu’il faudra leur faire.


MARCEL PRÉVOST.