Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 8.djvu/478

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

essayé de les faire renoncer à leur prétention au sujet des chiffres de salaires qu’ils entendaient fixer seuls : « Je me suis borné, a-t-il dit, à leur poser cette question : Quelle possibilité a un gouvernement, qui a reconnu le principe d’un minimum de salaire raisonnable, de demander au Parlement de contraindre telle des parties qui présente des critiques et des objections formidables à l’échelle de salaires proposée par les mineurs, à accepter non seulement le principe du minimum, mais les chiffres proposés par les mineurs, et cela sans enquêtes, ni négociations ? » Que signifie ce langage, sinon que M. Asquith est prêt à faire voter par le Parlement le principe d’un salaire minimum, à condition que les ouvriers ne le lui rendent pas impossible en compliquant cette première question d’une seconde qui offre plus de difficultés encore ? Peut-être réussira-t-il dans la tâche qu’il s’est donnée ; peut-être les patrons, tous les patrons, céderont-ils ; peut-être aimeront-ils mieux accepter le principe du salaire minimum que de se le laisser imposer ; peut-être imiteront-ils la résignation de la Chambre des Lords ; peut-être même, au point où en sont les choses, faut-il souhaiter qu’il en soit ainsi. Mais qui ne voit l’inconvénient ? On n’a pas manqué de le signaler et on a reproché à M. Asquith d’avoir dit que l’octroi du salaire minimum aux mineurs était le premier pas vers le salaire minimum pour toutes les autres industries. « Je n’ai rien dit de semblable, a-t-il protesté : il n’est pas dans mes habitudes de flirter avec les socialistes et de cacher mon jeu au public. » M. Asquith n’a pas tenu ce langage, soit, nous aurions été surpris du contraire ; mais si on a pu le lui prêter, c’est que ce langage était dans la logique de son attitude. Il n’ira pas aussi loin, soit encore, et nous en sommes très convaincus ; mais qui sait si d’autres ne le feront pas ? Et s’ils le font, ils ne manqueront pas de lui attribuer le triste mérite de leur avoir donné l’exemple et ouvert la voie.

Les choses en sont là Chaque matin, en ouvrant son journal, le lecteur va tout de suite aux nouvelles anglaises pour savoir où en est la grève et il lui est difficile de s’en faire une idée très nette. Un jour, les nouvelles sont un peu meilleures, le lendemain elles le sont moins. Au dernier moment, nous apprenons que les délégués des patrons et des ouvriers ont accepté de se rendre à une nouvelle conférence. Aussi le gouvernement ne désespère-t-il pas et, après avoir librement exprimé les regrets que nous causent ses faiblesses, nous lui rendrons la justice qu’il s’emploie de son mieux à amener la fin d’un conflit qui a déjà coûté très cher à l’Angleterre, matériellement