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d’ailleurs besoin pour sa subsistance, serait menacé et bientôt paralysé sur toute l’étendue des mers : alors l’Angleterre serait atteinte dans son existence même. Que M. Churchill ait dit cela, rien de plus légitime. Il pouvait même ajouter par comparaison, comme il n’a pas manqué de le faire, que les conditions d’existence de l’Allemagne étaient différentes, que sa puissance, qui s’était faite sans sa flotte, tenait en partie à d’autres causes et avait d’autres appuis, au point qu’elle resterait un très grand pays quand même elle perdrait sa force maritime ; mais il fallait s’en tenir là et M. Churchill a été plus loin : il a dit que sa flotte était pour l’Allemagne un « objet de luxe. » Aucun mot ne pouvait sonner à Berlin d’une manière plus désobligeante. Que le discours de Glasgow ait été relevé vivement par la presse allemande, nul ne s’en étonnera. Mais il ne semble pas que le gouvernement impérial s’en soit ému plus qu’il ne convenait et son attitude générale n’en a pas été modifiée. Il a été évident que si on a vraiment jeté à Berlin les bases d’un accord futur, on tenait surtout à ce que le monde le sût. Qu’en résultera-t-il ? Peut-être les armemens maritimes de l’Allemagne et de l’Angleterre seront-ils, cette année, un peu moindres qu’ils ne l’auraient été sans le voyage de lord Haldane à Berlin. Quant à une limitation conventionnelle des armemens, nous y croirons lorsque nous en verrons les effets et si ces effets sont durables. Détente, oui ; entente, non.

Qu’on désire une détente à Londres et à Berlin, il n’y a lieu pour nous d’en être ni surpris, ni inquiets, car nous aussi nous désirons une détente entre Berlin et Paris, et ce n’est pas notre faute si elle n’est pas plus complète. La crise de l’été dernier s’est résolue pacifiquement, ce qui est heureux pour tout le monde, et tout le monde souhaitait sincèrement cette solution ; mais enfin une autre aurait pu intervenir et on avait dû se préoccuper partout de cette éventualité. Des mesures de précaution avaient été prises et, bien qu’il n’y eût ni d’un côté ni de l’autre aucune intention agressive, une tension inévitable en était résultée dans les rapports des gouvernemens. Cette tension allait-elle continuer, alors que les motifs qui l’avaient fait naître n’existaient plus, du moins à l’état de menace imminente ? Pourquoi en aurait-il été ainsi ? Lorsqu’on était encore sous le coup d’émotions toutes récentes, nous avons entendu dire qu’il fallait resserrer la solidité des alliances et des ententes et, pour cela, se garder de ce qu’on a appelé toute « pénétration » d’un camp dans l’autre : les deux camps adverses en Europe devaient rester vis-à-vis l’un de l’autre comme des citadelles ennemies. Si on veut la guerre, rien de