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été aussitôt remplis des invitations qui lui avaient été adressées et auxquelles il s’était rendu. Il a vu l’Empereur et le chancelier de l’empire et les conversations échangées entre eux et lui ont eu un caractère politique non seulement avoué, mais proclamé avec une solennité inaccoutumée, puisque, d’une part, le chancelier s’adressant au Reichstag-et que le premier ministre anglais s’adressant, de l’autre, à la Chambre des Communes ont tenu un langage analogue, peut-être même concerté, pour exprimer les espérances qu’ils avaient mutuellement conçues à la suite des entrevues de Berlin. Il était difficile de donner plus d’éclat à l’incident. Depuis lors, sir Edward Grey a saisi plusieurs occasions de s’expliquer à son tour publiquement sur le voyage de lord Haldane. Il a répété, en d’autres termes, ce qu’avait déjà dit M. Asquith, insistant d’ailleurs sur le fait qu’il n’y avait rien de changé dans la politique anglaise, que son orientation restait la même et que l’amitié avec la France et la Russie en était le pivot toujours solide. Les agences officieuses ont même été plus loin : elles ont dit tout de suite, et le fait a été confirmé depuis, que les gouvernemens de Paris et de Saint-Pétersbourg seraient tenus au courant par sir Edward Grey de tout ce qui aurait été fait à Berlin.

Qu’y a-t-on fait ? Si les gouvernemens intéressés le savent, l’opinion l’ignore et ne peut que le supposer. Le langage des ministres, soit anglais, soit allemands, a été très optimiste ; à l’entendre, il doit sortir de grandes choses des causeries de Berlin ; mais celui des journaux, soit en Angleterre, soit en Allemagne, — et nous parlons ici des journaux officieux, — a été loin d’exprimer la même confiance. Il y a eu même beaucoup de mauvaise humeur dans les journaux allemands. Ils ont tous combattu et repoussé l’idée que le gouvernement impérial aurait pu prendre des engagemens au sujet de la limitation des armemens maritimes. Une circonstance assez singulière, si on croit, et nous le croyons, que cette question des armemens a été un des objets des conversations de Berlin, a encore augmenté l’acrimonie de la presse allemande : pendant que lord Haldane causait avec l’Empereur et M. de Bethmann-Hollweg, le ministre de la Marine anglais, M. Winston Churchill, prononçait à Glasgow un discours retentissant qui n’était pas fait pour faciliter la tâche de son collègue. Il y a deux parties à distinguer dans le discours de M. Churchill. Tout le monde sera de son avis lorsqu’il a dit que la suprématie maritime était pour l’Angleterre une question de vie ou de mort : le jour en effet où elle cesserait d’exister, le commerce d’où l’Angleterre a tiré son immense richesse, et dont elle a