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La vieille fibre française en est réjouie. M. Mille land a bien fait de faire rentrer l’armée dans notre vie quotidienne : elle ne perd rien à être vue de près et nous y gagnons quelque chose à l’y voir, à cause des hautes obligations qu’elle nous rappelle et des sentimens qu’elle évoque en nous. C’est pourquoi l’applaudissement a été général. Maintenant que les retraites militaires sont rétablies, il sera difficile de les supprimer : si on le faisait, cela aussi aurait une signification. Aussi ne le fera-t-on pas de sitôt.

Le principal mérite du ministère actuel, même aux yeux de ceux qui n’approuvent pas toute sa politique, est de nous faire vivre dans une atmosphère plus saine. Beaucoup de petites choses autour desquelles nous nous disputions ont disparu ou ont été reléguées à la place subalterne où elles auraient toujours dû être. Cela vient surtout de ce que des choses naturellement grandes se sont imposées à notre attention et qu’il a fallu en tenir plus de compte qu’on ne l’avait fait jusqu’à présent. L’opinion l’a voulu ainsi : c’est elle qui a fait le ministère actuel et qui le soutient. Elle ne pardonnerait pas à la Chambre de le renverser.


On a tant parlé dans la presse du voyage de lord Haldane à Berlin que nous ne pouvons plus en rien dire de bien nouveau : essayons cependant d’en préciser la signification, laissant d’ailleurs au temps le soin d’en tirer les conséquences.

L’idée de ce voyage n’est pas née à Londres, mais à Berlin : c’est l’empereur Guillaume qui a exprimé le premier le désir de voir un ministre anglais, et on a estimé à Londres que le ministre de la Guerre était le mieux à même de remplir cette mission. Nous n’attachons pas à cette distinction plus d’importance qu’elle n’en a : l’idée qui est venue à l’empereur allemand aurait aussi bien pu venir au gouvernement britannique, mais enfin c’est à une invite allemande que celui-ci s’est rendu et il n’avait évidemment aucune raison de ne pas le faire. Il semble bien, toutefois qu’en partant pour Berlin et même en y arrivant, lord Haldane ne se rendait pas nettement compte du genre d’accueil qui l’y attendait, puisqu’il a prétexté d’un simple voyage d’études qu’il avait entrepris pour des intérêts personnels et privés. Avons-nous besoin de dire que personne ne l’a cru ? En tout cas, si quelqu’un avait eu la naïveté de le faire, il aurait été bientôt détrompé. Le gouvernement impérial, en effet, n’a pas caché l’importance qu’il attachait au voyage de lord Haldane ; il a reçu le ministre anglais comme un visiteur officiel ; les journaux ont