Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 7.djvu/99

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce que propose sir Joseph Ward, s’écrie sir Wilfrid Laurier, ce n’est pas un conseil consultatif, c’est un corps législatif ayant le droit d’ordonner des dépenses sans responsabilité pour trouver les ressources correspondantes. Un tel système est indéfendable. Ce corps pourrait déclarer que 5, 10 ou 20 millions de livres sont nécessaires, — tant pour chaque partie de l’Empire, — et les gouvernemens respectifs des Dominions ne seraient plus que des agens d’exécution muets. Ils auraient simplement à trouver l’argent qu’on leur demande. Une pareille proposition est absolument impraticable :

L’institution du nouvel organisme, dit sir E. Morris, premier ministre de Terre-Neuve, aurait pour effet de supplanter le gouvernement impérial actuel, le gouvernement britannique ; l’un et l’autre ne pourraient subsister ensemble. Quel que soit le système de représentation, les Dominions d’outre-mer auraient d’ailleurs nécessairement dans tout Parlement ou Conseil une représentation si faible qu’elle n’aurait pratiquement pas de valeur pour eux.


L’opinion la plus caractéristique est peut-être celle du général Botha. Elle contient un grave avertissement.


Nous sommes tous profondément désireux de rapprocher autant qu’il est possible les diverses parties de l’Empire ; mais je crois qu’un organe tel que celui qu’on propose arriverait à s’immiscer constamment dans les affaires particulières de ces diverses parties, ne causerait que des frottemens et des désagrémens… C’est la liberté dont jouissent les divers peuples sous le drapeau britannique qui les unit à la mère patrie, et tout projet qui méconnaîtrait ce principe n’entraînerait que désillusion.


Le premier ministre australien, M. Fisher, aurait admis l’utilité d’un conseil purement consultatif ; mais l’ancien mineur écossais devenu premier ministre socialiste de l’Australie a sur l’avenir de l’Empire des vues tout autres que celles des impérialistes de l’école de M. Chamberlain ou de lord Rosebery. Ceux-ci veulent organiser fortement l’union militaire et commerciale de l’Empire en face des autres nations du monde. M. Fisher rêve au contraire de fondre l’Empire dans les Etats-Unis du monde. Il a esquissé ses idées, pleines de générosité et d’utopie, dans maints banquets donnés à l’occasion de la conférence. Il les a confiées plus complètement à M. Stead, le publiciste pacifiste bien connu qui les reproduit dans sa Review of Reviews.


Ne me parlez pas d’Empire ; nous ne sommes pas un Empire ! L’usage de ce mot a fait un mal infini. Nous sommes une association très lâche de nations dont chacune est indépendante, mais cousent, pour le temps présent, à demeurer en union fraternelle et coopérative avec la Grande-Bretagne et