Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 7.djvu/914

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mathématiques qui aient qualifié leurs collègues de langues vivantes de « professeurs d’irréflexion. »

Le professeur de langues vivantes en effet est celui auquel on a le plus sacrifié : c’est à lui qu’on a donné le plus grand nombre d’heures. Si dans tels ou tels lycées choisis, on obligeait le professeur d’anglais ou d’allemand à être au moins licencié ès lettres ou à passer un examen le montrant apte à un enseignement grammatical, littéraire, historique et qu’ensuite on lui confiât la direction générale de la classe replacée dans son unité, rien n’empêcherait, pour le répéter, d’en attendre de bons résultats. Mais après la « réforme » de 1902, on a imposé aux maîtres de langues la méthode directe, celle qui attache les mots aux objets vus et regardés. Un professeur, par exemple, installera au milieu de la classe un porc ou un veau en carton et en disséquera, pour ainsi dire, les diverses parties en les nommant et en le débitant, comme s’il était boucher ou charcutier. Une telle méthode peut être bonne pour donner à un adulte une connaissance assez rapide de la partie de la langue qu’il veut apprendre en vue d’un but déterminé. Il est clair qu’elle n’a aucune espèce de valeur éducative. Elle fait perdre aux enfans l’habitude d’orthographier les mots (ils ne font attention qu’au son) et d’en analyser le sens. Ils se contentent de noter ceux qui désignent les choses : ils ne font aucun effort pour trouver ceux qui ont servi à les définir et à les classer. Ajoutons enfin qu’il est utopique de prétendre exercer à la conversation trente élèves réunis dans une classe d’une heure. Inutile d’insister : l’erreur semble aujourd’hui reconnue, avouée. Seulement, on ne la réparera pas sans reprendre le système entier par la base.

Nier qu’il en ait besoin est impossible. Ce sont les juges ayant en main l’autorité qui, dans des rapports rendus publics, signalent, comme celui d’Aix-Marseille, la « déplorable médiocrité des compositions écrites, » « les puérilités, les niaiseries » que les candidats y accumulent, « ne se souciant même pas Je développer le canevas proposé. » Le même danger signale la désorganisation de la licence ès lettres comme ayant « couronné l’œuvre du réformateur de 1902, » car elle a exagéré les spécialisations inaugurées par les fameux cycles du baccalauréat et « donné le coup de mort à la culture générale. »

Le doyen de la Faculté de droit de Lille écrit de son côté :