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leçons sues, ni textes préparés : en revanche, ils sont abasourdis et inertes, incapables d’aucun effort personnel. Quelques-uns plus vaillans, qui veulent arrivera tout prix, s’épuisent : le reste laisse passer le tourbillon et, comme le sage d’Epicure, se réfugie dans une sorte d’impassibilité. Si le maître a pitié d’eux, il leur donne, au début, un quart d’heure de repos, qu’ils peuvent consacrer à lire au moins leurs leçons. Que reste-t-il pour les instruire et les redresser, sur l’heure unique de la classe ? Et que seront-ils pour la classe suivante ? Cette suppression, à peu près générale, du professeur principal, chargé de suivre, au moins pendant un an et dans la plus grande partie de leurs exercices, les mêmes élèves, voilà certainement ce qui était le mieux fait pour tuer un système d’études, si pavé de bonnes intentions qu’il pût se prétendre.

Il y a dans notre langue, — non seulement dans la langue de la pédagogie, mais dans la langue commune, — un mot qu’il faudrait bien ramener, comme beaucoup d’autres, à son sens plein, ne craignons pas de dire à son grand sens. On dit : « Tel professeur fait sa classe. » Oui, certes, il faudrait bien qu’il la fît et en quelque sorte la créât, en discernant, en encourageant, en formant ceux qui étaient si justement dénommés tête de classe : c’est deux qu’il devrait ensuite se servir pour donner la vie au corps tout entier, y compris même la queue. Mais nulle part on ne souffre qu’il soit question d’une élite, et si un élève est à même de servir de modèle, il faut se garder de le nommer. D’un bout de la France à l’autre, les professeurs doivent rendre compte des devoirs de la même façon : expliquer comment le sujet devait être compris, classer en deux ou trois catégories les essais qui se sont approchés ou écartés de l’intelligence voulue, mais s’abstenir soigneusement de désigner aucun des auteurs. Il ne faut pas d’émulation ! Je connais un héritier des anciennes traditions qui, pour s’être légèrement écarté de cette consigne universelle, s’est vu sévèrement réprimandé.

Et cependant l’esprit d’une classe, — pour qui est désireux qu’il y en ait un, — est bel et bien le résultat d’une sorte de collaboration entre le maître et les bons élèves : c’est par l’intermédiaire des mieux doués, c’est par leurs questions et leurs, réponses, c’est par l’éloge de telle partie de leurs devoirs, que l’on fait pénétrer dans l’intelligence des autres une grande partie de ce qu’elle retiendra le plus volontiers. C’est dans ce milieu