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— Ainsi je n’étais rien, et mon esprit qui songe
Avait bien parcouru les espaces, les temps ;
Comme l’aigle qui monte et le dauphin qui plonge
Je revenais portant les rians élémens !

La fierté, la pitié, les pardons, le courage
En possédant mon cœur se l’étaient partagé ;
Sans répit, sans repos, je luttais dans l’orage
Comme un vaisseau qu’un flot fougueux rend plus léger.

C’est bien, j’accepte cet écroulement du rêve,
Ce suprême répons à mon esprit dressé
Comme une tour puissante et guerrière où se lèvent
L’Attente impétueuse et l’Esprit offensé !

Mais avant d’accepter, sans plus jamais me plaindre.
Ce lot où vont périr l’espérance et la foi,
Hélas ! avant d’aller m’apaiser et m’éteindre,
Amour, je vous bénis une dernière fois :

Je vous bénis, Amour, archange pathétique.
Sublime combattant contre l’ombre et la mort,
Lucide conducteur d’un monde énigmatique.
Exigeant conseiller que consulte le sort.

Par vos terribles soins, comme de grandes fresques
L’Histoire des humains suspend au long des jours
Des figures en feu, pourpres et romanesques.
Dont la flamme et le sang ont tracé les contours.

— Seigneur, l’âme est l’élan, la dépense infinie,
Seigneur, tout ce qui est, est amour ou n’est rien.
Au centre d’une ardente et plaintive agonie
J’ai possédé les jours futurs, les temps anciens ;

Vienne à présent la mort et son atroce calme,
Mer où les vaisseaux n’ont ni voiles ni hauban,
Contrée où nul zéphyr ne fait bouger les palmes,
Arène où nul couteau ne trouve un cœur sanglant !