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de son pavillon. » On sait avec quelle bravoure la malheureuse armée de l’Est accomplit sa terrible retraite et avec quelle générosité la Suisse l’accueillit.


M. de Freycinet termine les chapitres de la guerre de 1870 par des considérations qui serviront de conclusion à cette étude. Il a voulu savoir et dire les réels motifs de nos désastres. Il ne s’est pas contenté d’énumérer les incidens fortuits, les fautes certaines, les coups aveugles de la fortune. Il a voulu aller plus au fond. Il a compris qu’une telle succession de malheurs se rattachait à des causes plus graves encore. En dehors de l’infériorité numérique, du désordre des préparatifs, de l’insuffisance du haut commandement, il a trouvé ces causes dans l’instruction incomplète des troupes, dans l’inexpérience des recrues opposées aux réservistes exercés de l’Aile magne, enfin dans l’indiscipline des soldats. « Le second mal dont a souffert la Défense nationale, et dont elle souffrirait encore, dit-il, est celui de l’indiscipline. L’homme qui n’a pas été rompu à la discipline, en temps de paix, s’y prête difficilement en temps de guerre. Les obligations parfois formalistes qui accompagnent le métier militaire paraissent puériles au novice. Elles l’affectent désagréablement. Il tend d’instinct à s’y dérober. Or, la discipline exacte, rigoureuse dans les petites comme dans les grandes choses, est indispensable aux armées. Sans elle, les meilleures périssent. Il importe que la conviction en soit établie au cœur des hommes. Il ne suffit pas qu’ils obéissent passivement. Il faut qu’ils soient pénétrés de la nécessité, de l’utilité de cette obéissance. La discipline n’est pas seulement le nerf des armées ; elle est aussi le ciment des sociétés civilisées. Si le mépris de l’autorité, la révolte hantent l’esprit des jeunes recrues, c’en est fait tout à la fois et de la défense nationale et de la sécurité intérieure. Sans doute, personne ne soutient ouvertement la thèse contraire et n’oserait prétendre que la discipline n’est pas nécessaire aux armées. Mais, chez quelques esprits, le principe est entouré de telles restrictions ou comporte des interprétations si subtiles qu’il équivaut presque à la négation même de l’autorité. Réagissons donc contre ces tendances éminemment dangereuses et proclamons que la discipline militaire doit être humaine et juste, mais sans défaillance. »

Ces hautes considérations sont d’une justesse incontestable.