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moment de quitter Orléans, il aurait pu mieux calculer ses dispositions et le funeste malentendu relatif à l’emploi des 18e et 20e corps ne se serait pas produit. » Devant son refus de se concentrer de nouveau sur Orléans, la Délégation pria le général d’Aurelle de remettre le commandement au général des Pallières et lui offrit la direction des lignes de Cherbourg. D’Aurelle n’accepta pas ce qu’il croyait être la diminution de son autorité et demanda à se retirer dans ses foyers à Belley. La sympathie et l’estime de tous accompagnèrent dans sa retraite celui qui avait organisé, instruit et discipliné l’armée de la Loire, au milieu des difficultés et des périls les plus grands qu’ait jamais eu à affronter un chef.

Il a été fait à la Délégation de Tours et de Bordeaux un grave reproche sur lequel il faut revenir ; celui de s’être arrogé la conduite effective des années et de leurs opérations, source d’un antagonisme regrettable entre le commandement des généraux et la direction du ministère et de ses délégués. Cet antagonisme se serait révélé par des conférences secrètes où les conseillers de Gambetta, et Gambetta lui-même, auraient apporté leurs conceptions avec la prétention de suppléer par leur intelligence propre à l’insuffisance notoire des généraux. Les ordres du mouvement auraient été donnés par des personnes évidemment animées des meilleures intentions patriotiques, mais qui ne se rendaient pas compte que, dans la guerre, la plus grande difficulté est d’amener en bon ordre sur le champ de bataille, au point où doit se concentrer l’action, des troupes bien reposées, bien outillées et supérieures autant que possible aux forces ennemies. Le commandant en chef peut seul en effet diriger et coordonner les mouvemens des soldats sous ses ordres suivant les diverses circonstances, et il est impossible à un cabinet même militaire de juger et de résoudre ces questions de loin ; s’il le fait, il s’expose à ordonner des entreprises mal conçues et mal préparées et à aboutir à des revers inévitables.

À ces critiques Gambetta a répondu : « On n’a jamais donné aux généraux que des ordres qui avaient été délibérés avec eux et que des ordres d’exécution. La première campagne de la Loire a été délibérée devant moi par tous les généraux qui y ont pris part. Quant au second plan, celui de l’Est, il a été arrêté à Bourges entre Bourbaki et Clinchant et le représentant du ministre de la Guerre… Je n’avais qu’une préoccupation, qu’un