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monde. Le morne silence des jours précédens fit place à une animation joyeuse. Il semblait qu’une ère nouvelle commençait. » Et, en effet, tout allait changer, la défense prendre une accélération nouvelle, les armées sortir du sol avec le concours empressé de tous les Français.

Le 10 octobre, M. de Freycinet vit Gambetta qui lui dit brusquement : « J’ai eu tort de vous envoyer à Montauban ; vous en êtes parti, c’est une affaire réglée. J’ai ici bien d’autres soucis. Avec l’Intérieur, j’ai pris la Guerre, afin d’activer les préparatifs. Or, je ne puis être partout. Il me faudrait au ministère de la Guerre un homme sûr, connaissant ma pensée et capable de la faire exécuter. J’ai songé à vous pour ce rôle. Voulez-vous l’accepter ? » La surprise rendit un instant muet l’ingénieur auquel s’adressaient ces paroles. Puis, écartant toute timidité, M. de Freycinet accepta le titre de délégué du ministre auprès du département de la Guerre, avec mission de diriger les services en ses lieu et place dans des limites déterminées. Au moment où il sortait de la préfecture de Tours, il rencontra le directeur de la Liberté, Léonce Détroyat, ancien officier de marine, qui lui confia secrètement qu’il était, lui aussi, délégué à la Guerre ?… Est-ce que le quiproquo de Montauban allait recommencer ? M. de Freycinet voulut en avoir le cœur net et alla s’en expliquer avec Gambetta qui lui apprit que Détroyat devait seulement prendre connaissance des dépêches de la journée et se borner à être un agent de renseignemens. Mais presque aussitôt Détroyat renonça de lui-même à des fonctions qui eussent été une source de conflits et accepta le commandement du camp de la Rochelle. Le général Lefort, qui dirigeait les services de la Guerre en qualité de secrétaire général, excipa de sa mauvaise santé et d’un besoin réel de repos, pour se retirer à son tour. Dès ce moment, et muni de pouvoirs suffisans, M. de Freycinet se mit à la besogne. Elle était considérable. Elle eût été effrayante pour un esprit hésitant, même doué des meilleures qualités. Le nouveau délégué à la Guerre, se rendant compte des nécessités de l’heure présente, alla de lui-même avec résolution au-devant des difficultés et des périls.


Voici quelle était la situation exacte de la France, décrite par