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Tarn-et-Garonne. Dans le trouble et le désordre administratifs, assez naturels en ce moment, le Cabinet de l’Intérieur avait fait son choix sans prévenir le ministre. Audoy fut alors nommé à Agen et M. de Freycinet gagna Montanban où certaines difficultés qu’il avait redoutées abrégèrent son séjour.

Il avait pris possession de son poste dès le 7 septembre, mais, à son arrivée, trois délégués du parti républicain-radical apparurent pour contester ses pouvoirs. Ils l’accusaient d’avoir été candidat officiel de l’Empire. Le 24 septembre, leurs partisans envahirent la préfecture, demandant la révocation en masse des municipalités du département et la création d’une Commission préfectorale dominant le préfet lui-même. Ils réclamaient la démission de M. de Freycinet, sous prétexte que sa candidature de conseiller général n’avait pas été combattue par le gouvernement impérial. Le nouveau préfet résista d’abord à toutes ces exigences, ne voulant pas céder devant la menace et offrant seulement d’en référer au ministre de l’Intérieur. On ne l’écouta pas et on menaça de mettre la préfecture à sac. Devant ces violences, et vu les circonstances exceptionnelles créées par la présence de l’ennemi aux portes de Paris, le préfet consentit, dans l’intérêt de l’ordre, à envoyer sa démission. Il fut remplacé par M. Flamens et se rendit à Tours pour collaborer aux travaux de la Commission d’armement, que présidait Jules Lecesne. La Délégation, constituée sur des bases trop étroites, se bornait en réalité à la seule personne de Crémieux qui cumulait tous les pouvoirs. On lui envoya deux assesseurs, l’amiral Fourichon pour la Guerre et la Marine, et Glais-Bizoin sans fonctions définies. Ce dernier, esprit original, n’avait d’autre excuse dans son activité brouillonne que sa bonhomie naturelle. Mais tout marchait irrégulièrement et lentement. Le cercle d’investissement se fermait autour de Paris et la province était inanimée. Crémieux songeait à nommer M. de Freycinet délégué à la Guerre, lorsque, le 9 octobre, Gambetta, descendu de ballon à Amiens, apparut à Tours, muni de pouvoirs extraordinaires, avec le double titre de ministre de l’Intérieur et de la Guerre. « La renommée du jeune tribun, les conditions dramatiques de son voyage, la fascination qu’il exerçait sur les masses, une vague croyance à un retour possible de la fortune, tout concourait à donner à son apparition le caractère d’un événement national. Les rues se remplirent de