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la situation extraordinaire où le désastre de Sedan et les défaites précédentes, — si honorables qu’elles eussent été par la bravoure de nos troupes, — avaient jeté le pays. La chute foudroyante de l’Empire, la révélation de notre faiblesse en effectifs et en préparatifs de tout genre, la certitude où nous étions désormais de l’abandon et du peu d’intérêt de l’Europe pour notre cause, le manque évident d’alliances, les victoires inattendues des Allemands, leur marche sur la capitale, la nécessité de porter des remèdes prompts et efficaces au désordre, à l’incurie, à l’incohérence et à l’impéritie générales, l’obligation immédiate d’assurer les lignes de défense de Paris, de lui amener des canons et des vivres, de combler les lacunes des fortifications, d’empêcher que Paris ne se rendit comme Vienne au lendemain de Sadowa et ne donnât à l’ennemi la gloire d’un triomphe complet en quelques semaines seulement, toutes ces considérations déterminèrent les nouveaux gouvernans à ne songer d’abord qu’au salut de la capitale qui leur paraissait le salut même de la France. Il fallait être là pour se rendre bien compte de cette fièvre qui brûlait tous les cœurs et faisait croire que Paris, résistant quand même, viendrait certainement à bout de-l’orgueil insolent de nos adversaires. Et de fait, s’il n’a pas entièrement abattu cet orgueil, il l’a singulièrement amoindri, car peu s’en est fallu que, grâce aux efforts de la Délégation et de tous les Français, l’ennemi n’ait été obligé de lever le siège. C’est d’ailleurs l’aveu qu’en a fait lui-même le maréchal de Moltke à la date du 8 novembre 1870. Et nous ne pouvons pas, nous ne devons pas oublier la réponse de M. de Beust à ceux qui comparaient le désastre de 1870 à celui de l’Autriche en 1866 : a Il y a seulement une différence, messieurs ; c’est que vous avez le siège de Paris à votre actif ! »

Dans la tourmente qui agitait le pays, M. de Freycinet ne pouvait pas rester inerte. Il alla offrir ses services à Gambetta pour être employé comme officier du génie. Gambetta le reçut cordialement et lui expliqua qu’on ne manquait à Paris ni d’officiers, ni d’ingénieurs. Il lui conseilla d’aller, en province, stimuler les efforts et les coordonner. Sachant qu’il était conseiller général de Tarn-et-Garonne, il le nomma préfet à Montauban. M. de Freycinet hésita d’abord un peu, puis accepta. En se rendant à la gare d’Orléans, il rencontra un de ses amis, Audoy, lequel lui apprit qu’il était également nommé préfet de