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d’hommes, les mousquetaires compris. Pour le reste, tout se bornait à des mesures transactionnelles et à des modifications légères, redressement de quelques abus, remboursement de quelques charges, réglementation plus précise pour l’avancement des officiers. Le pire est que ces concessions n’éteignirent pas les haines et les ressentimens. Saint-Germain resta la bête noire des courtisans et des grands dignitaires, tandis qu’il perdait la confiance de ce que le libraire Hardy nomme « l’état mitoyen. » C’est la constatation que fait aussi le judicieux duc de Croy : « Au pinacle de l’opinion, tant qu’on avait pu croire qu’il jetterait tout à bas, il n’était plus bon à rien, le jour où l’on disait qu’il gardait quelque chose… Et comme on objectait que ce n’était pas de sa faute, que M. de Maurepas l’arrêtait bien malgré lui, chacun disait : A la bonne heure : s’il envoie tout promener et qu’il quitte sa place, on ne s’en prendra pas à lui ; mais s’il la garde, c’est une lâcheté ! »


III

La tentative de Saint-Germain pour réformer la Maison militaire fut à la fois la plus retentissante et la moins efficace de ses deux années de pouvoir. D’autres eurent un meilleur succès et, bien qu’également combattues, réalisèrent un progrès plus réel. On peut diviser ces réformes en deux catégories distinctes, celles relatives aux officiers et colles relatives aux soldats. Les unes et les autres présentent un puissant intérêt.

Toutes les mesures qui visent le commandement et l’état-major de l’année sont inspirées par une idée maîtresse : la tendance continuelle du comte de Saint-Germain est de favoriser la noblesse pauvre, la noblesse provinciale, qui, dit-il, « ne parvient à rien, quelque chose qu’elle mérite, » contre la noblesse riche et la noblesse de Cour, « qui trop souvent a tout sans rien mériter. » On se tromperait beaucoup, pourtant, en lui attribuant la pensée de démocratiser l’armée, de rendre les grades et emplois également accessibles à tous les citoyens, sans distinction de classe et de naissance. C’est une idée qui, dans ce temps, n’entrait encore dans la tête de personne. Pour Saint-Germain, comme pour l’immense majorité de ses contemporains, les grades supérieurs de l’armée doivent être, sauf de rares exceptions, réservés en principe à l’aristocratie, qui y est