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ment. Il faut dire tout de suite que ces deux vaisseaux font le service postal régulier entre la France et la Tunisie et qu’ils jouissent à ce titre d’immunités particulières que l’Italie a reconnues par un arrangement formel. Ils peuvent être visités bien entendu ; nous ne contestons pas, sur ce point, le droit de l’Italie ; mais ils doivent l’être dans des conditions déterminées, rapides, et qui en aucun cas ne vont jusqu’à les détourner de leur route. Or, ils ont été conduits de force à Cagliari et y ont été retenus plusieurs jours. Pourquoi ? Parce que le gouvernement italien croyait, pour des raisons qu’il jugeait sérieuses et qui se sont trouvées ne pas l’être. — ce qui, soit dit entre parenthèses, devrait désormais le rendre plus prudent dans ses informations et ses affirmations, — que le premier portait un aéroplane destiné à l’armée turque de la Tripolitaine et que le second avait embarqué vingt-neuf officiers turcs qui se faisaient passer pour des membres du Croissant-Rouge ottoman et qui, une fois arrivés à Tunis, devaient rejoindre leurs camarades dans les oasis tripolitaines.

En ce qui concerne le premier bateau, le Carthage, la question se pose de savoir, en principe, si un aéroplane peut être considéré comme un objet de contrebande de guerre. Nous sommes disposés à le croire, mais le droit public n’est pas encore fixé sur ce point, et la preuve en est que l’Italie elle-même n’a pas compris ces appareils dans l’émunération qu’elle a faite, au moment de l’ouverture des hostilités, des objets de contrebande dont elle interdisait le transport. Mais même si un aéroplane est considéré comme un objet de contrebande, un navire neutre se rendant dans un port neutre a le droit de l’y transporter et un gouvernement neutre n’a pas celui de s’y opposer. Pour tous ces motifs le torpilleur italien qui a arrêté le Carthage a commis une erreur en le conduisant à Cagliari et en l’y immobilisant pendant plusieurs jours. Il a intimé l’ordre au capitaine du paquebot français d’abord de détruire sur place l’aéroplane qu’il transportait, puis de le livrer : le capitaine s’y est opposé à bon droit. Comme il a fait remarquer que son navire était chargé d’un service postal et qu’il avait un sac de lettres à son bord, les autorités italiennes lui ont demandé de le leur remettre afin qu’elles pussent elles-mêmes le faire parvenir à destination. Le capitaine s’y est refusé non moins légitimement ; il n’a pas voulu confier à des mains étrangères le soin de remplir un devoir officiel qui n’incombait qu’à lui et qui restait sous sa responsabilité. Quant aux autorités italiennes, leur conduite a été incorrecte du commencement à la fin de l’incident. On sait de quelle