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avaient paru y tenir si fort, l’ont abandonné, soit qu’en réalité ils n’y tinssent nullement, soit qu’ils espérassent que toute la réforme serait entraînée dans sa chute et s’écroulerait avec lui. Le gouvernement avait cru s’embarquer sur une mer profonde et sûre ; il s’est tout de suite enlizé dans un banc de sable. Hâtons-nous de dire qu’il ne s’est en cela fait aucun mal. Il ne tenait à l’apparentement que dans la proportion où la majorité y resterait fidèle elle-même et la majorité n’en voulant pas, il n’a plus aucune raison d’en vouloir.

Mais que faire des restes ? La question reste posée. M. Jaurès a proposé, pour la résoudre, de sortir du cadre étroit du département : on ferait le total des voix obtenues dans plusieurs départemens voisins par les listes de même opinion et on trouverait là un moyen de sortir d’embarras. La Commission du suffrage universel s’est ralliée à la hâte à cet amendement, mais la Chambre lui fera-t-elle le même accueil ? Les radicaux-socialistes, adversaires avoués ou secrets de toute réforme, commencent à espérer qu’elle ne se ralliera à aucun système et refusera une majorité successivement à tons. Le gouvernement a demandé à réfléchir, ce qui est sage, et la discussion a été suspendue pour quelques jours : elle ne sera reprise que le 12 février. La proposition de M. Jaurès n’est pas aussi simple qu’elle paraît l’être : qu’adviendra-t-il pourtant si elle est rejetée, et si une autre l’est encore, et ainsi de suite ? La Chambre, se sentant impuissante, tomberait dans le découragement, c’est au gouvernement à l’en sauver. Il s’est engagé à faire réussir la réforme : il tiendra sa promesse.


Nous aurions dû sans doute commencer notre chronique en parlant de l’incident italien, car tout autre intérêt pâlit à côté de celui qui s’y attache ; mais l’incident vient seulement de se clore ; il se poursuivait sur le terrain diplomatique pendant que nous écrivions ; nous ignorions en commençant comment il se terminerait ; il a bien fallu le garder pour la fin.

L’incident, disons-nous, bien qu’il y en avait eu deux et qu’on parle même d’un troisième dont le caractère n’est pas encore bien connu ; mais le premier s’est vite réglé à notre satisfaction. Ils ont été provoqués l’un et l’autre par l’exercice que l’Italie a cru pouvoir faire de son droit de visite dans la Méditerranée : deux de nos vaisseaux, le Carthage et le Manouba, en ont été l’objet coup sur coup, avec des circonstances dont l’opinion s’est légitimement émue chez nous, et qui ont imposé des devoirs immédiats à notre gouverne-