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bués dont on est fort embarrassé de savoir que faire. Il faut pourtant en faire quelque chose. M. Briand, si nous ne nous trompons, avait proposé de les abandonner purement et simplement à la liste qui aurait eu la majorité. Le système était injuste à coup sûr ; il ne faisait pas de la Chambre la représentation exacte du pays ; il avait toutefois l’avantage de supprimer les marchandages et les coalitions plus ou moins immorales entre les représentans d’opinions diverses, ou même opposées, tentés de subordonner ou de sacrifier l’intérêt de leurs idées à celui de leur parti, ou plus brutalement de leurs personnes. C’est ce qu’on voit trop souvent sous le régime actuel au moment des ballottages. L’apparentement de M. Painlevé a tout justement le défaut qu’on voulait combattre : il établit, suivant la volonté de leurs représentans, une parenté fictive entre diverses listes qui atteignent, par l’addition des votes qu’elles ont obtenus, un total suffisant pour se voir attribuer les restes, c’est-à-dire les sièges inoccupés dont nous avons parlé plus haut. Qui ne sent l’inconvénient ? Il serait d’autant plus grave pour la morale publique que plus d’une fois l’apparentement s’établirait, non seulement entre des listes d’opinions voisines, mais entre des listes représentant des opinions très éloignées les unes des autres, opinions extrêmes, réactionnaires d’une part, socialistes d’une autre. Les coalitions de ce genre se sont vues trop souvent pour que nous ne les revoyions pas encore, mais est-ce à la loi de les favoriser ? Ne doit-elle pas, au contraire, s’appliquer à les rendre impossibles ?

À quoi bon insister ? Nous parlons de ce qui n’est plus : l’apparentement est mort. Il aurait été digne du ministère actuel de lui porter le coup de grâce. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? Son excuse est que, ne voyant dans la Chambre de majorité assurée ; pour aucun système, il a cru qu’il fallait faire de la conciliation à outrance. Il n’a d’ailleurs pas été le seul à le penser ; les partisans de la représentation proportionnelle semblaient eux-mêmes passer condamnation sur l’apparentement. Soit, disaient-ils, la réforme sera moins bonne, mais ce sera la réforme tout de même. On pouvait donc croire que l’apparentement, énergiquement voulu par les uns, accepté avec résignation par les autres, serait effectivement voté. Ô surprise ! il ne l’a pas été. M. Steeg, que le ministère avait envoyé combattre pour lui, y a très inutilement employé son éloquence. Il a eu beau dire que le vote de l’apparentement était la condition du succès facile et rapide de la réforme ; on ne l’a pas écouté, et l’apparentement n’a pas été seulement écarté, il a été écrasé. Les radicaux-socialistes, qui