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les hommes du Centre, devait se passer de l’appui du Pape ; aussi n’avait-il qu’une demi-sécurité. « Leur adhésion, disait-il le 12 mars, est moins sûre que celle des conservateurs, car d’autres considérations interviennent. »

Lorsqu’on apprit, au soir du 31 mars, que Windthorst, pour la première fois depuis dix ans, s’était rendu à la chancellerie pour converser avec Bismarck, on augura qu’ils avaient dû causer de cette « adhésion » et de ces autres « considérations. » Windthorst avait sollicité l’audience pour traiter avec le chancelier des intérêts de l’ancienne reine de Hanovre ; mais tout faisait supposer que les deux interlocuteurs avaient dû se hâter vers un autre terrain. Ils ne racontèrent ni l’un ni l’autre ce qu’entre eux ils s’étaient dit. Quelques jours avant, une feuille drolatique, accoutrant Bismarck en preneur de rats, l’avait représenté jouant, sur une trompette, la mélodie des droits protecteurs ; et, derrière lui, attirés par cet appât : « Paix avec Rome, » les membres du Centre se pressaient. Etait-ce là, par hasard, un croquis prophétique de la soudaine entrevue du 31 mars ? On se le demandait, on ne le savait.

Les bons plaisans observaient que le 31 mars était tout proche du Ier avril, cette annuelle journée des dupes. Mais on devint plus grave, plus attentif lorsque, le 4 avril, on vit la Germania déclarer : « Dans les questions les plus importantes, les plus brûlantes de l’heure actuelle, le Centre est le parti qui fait pencher la balance. Ces catholiques allemands, que l’on considérait comme des ilotes, ces députés que l’on appelait la fraction Kullmann, voilà qu’ils forment, à présent, le centre de la constellation politique. » Les nationaux-libéraux s’alarmaient : tout ce qu’il y avait de vraisemblable dans cet imprévu leur faisait peur. Windthorst avait-il réclamé quelque chose ? Windthorst avait-il obtenu ? Ce géant et ce gnome, qui soudainement échangeaient des politesses, occupaient beaucoup les dessinateurs. L’un d’eux montrait Windthorst, avec un minois de vieille coquette, lutinant Bismarck, et le chancelier, à demi protecteur, à demi excité, lui murmurait à l’oreille les vers de Heine : « Ne me compromets pas, ma belle enfant ; ne me salue pas sous les Tilleuls : quand nous serons chez nous, tout se trouvera bien. »

Mais le M mai, ce fut bien autre chose : la « belle enfant, » décidément, devint compromettante. Le chancelier donnait