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logique ; et sa parole, étonnamment souple, venait doublement au secours de la Papauté, puisqu’il la déchargeait du reproche d’ingérence politique, articulé sous Pie IX par les journaux bismarckiens, et puisqu’il la mettait en garde contre les fallacieux appels que ces mêmes journaux, incohérens à force d’audace, commençaient d’adresser à l’ingérence de Léon XIII. La motion même qui avait été l’occasion de ces discours, et qui visait au rappel des ordres religieux, fut repoussée ; mais, au soir du 11 décembre 1878, grâce à Windthorst, on savait, à Rome et à Berlin, ce que sérail le Centre et ce qu’il ferait, dans cette ère nouvelle qui paraissait avoir tant de peine à poindre.

Il semble que Léon XIII voulut intervenir en personne, de la façon dont un Pape peut intervenir, dans les passionnans dialogues qui se croisaient entre Falk et Windthorst : il intervint à la veille de Noël, par une lettre qu’il adressait à l’archevêque Melchers. Cette lettre rejoignait Melchers, non point dans la ville de Cologne, que Dieu lui avait assignée comme séjour, mais dans l’exil, que les lois de Bismarck lui imposaient. Léon XIII y définissait le programme de son pontificat : ramener les princes et les peuples à la paix et à l’amitié avec l’Eglise. Il rappelait que son regard et ses efforts s’étaient déjà tournés vers l’Allemagne : quel en serait le résultat, Dieu seul le savait. Mais quel que fût ce résultat, Léon XIII continuerait d’offrir son secours à la société humaine, menacée au point de vue religieux, au point de vue social, par des doctrines perverses et par les plans extravagans d’hommes impies. Il redisait les infortunes des catholiques allemands : les pasteurs de l’Eglise condamnés ou bannis, le sacerdoce entravé, les congrégations dispersées, et toute éducation, même celle des clercs, soustraite au contrôle épiscopal. Il priait Melchers et ses collègues de l’aider dans son œuvre et de veiller à ce que leurs fidèles fussent soumis à l’Eglise et à la loi de Dieu, ajoutant qu’en vertu même de cette docilité, ils obéiraient aux lois compatibles avec leur foi et se montreraient dignes, ainsi, d’obtenir les bienfaits de la paix. Et le Pape réclamait des prières, pour que le Dieu qui tient en sa main les cœurs des rois déterminât le glorieux et puissant Empereur, et les hommes influens qui l’entouraient, à apporter une plus grande douceur dans leurs actes de gouvernement. C’était une lettre pacifique : les allusions à Guillaume, à Bismarck, aux ravages de la marée