Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 7.djvu/628

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Culturkampf, les plus assidus persécuteurs de l’Église romaine ? Pour des raisons auxquelles cette Eglise n’était nullement mêlée, l’ascendant de ce ministre et l’ascendant de ces parlementaires chancelait, au moment même où, s’interposant toujours entre elle et l’Etat comme des obstacles, ils risquaient de supprimer les possibilités d’entente.

L’Eglise pouvait noter, aussi, que, dans l’expose des motifs du projet de loi contre les socialistes, le haut fonctionnaire Hoffmann avait osé écrire : « Sans nul doute le Culturkampf et la façon dont il a été mené ont contribué autant et peut-être plus encore que l’agitation socialiste à léser l’autorité de l’Etat. » Y avait-il une grande différence entre le langage de Hoffmann et celui de Léon XIII ? Et si, fugitivement, Rome et Berlin parlaient de même, pourquoi ne commencerait-on pas à s’écouter ?


III

Rome continuait, comme elle pouvait et là où elle le pouvait, de causer avec la Prusse. L’un des deux rois allemands dont la conscience relevait de Rome, le roi de Saxe, devait, le 20 juin, fêter ses noces d’argent. Quelques semaines avant, Masella avait su qu’il y serait le bienvenu ; et le Saint-Siège, consulté, avait tout de suite décidé qu’il devait prendre le chemin de Dresde. Masella prévint le comte Holnstein, lui dit qu’il serait heureux, là-bas, de présenter ses devoirs à l’Empereur ; le comte Herbert de Bismarck répondit bientôt à Holnstein qu’on était, à Berlin, satisfait de ce projet. La nonciature de Munich, le 9 juin, fut honorée d’une visite mystérieuse ; un colporteur s’y présenta, demandant à voir le nonce. Sous ce déguisement se cachait t’authentique successeur de ces princes électeurs qui, durant des siècles, avaient fait régner leur crosse sur Cologne et leur prestige sur tout le Saint-Empire. Melchers, en personne, déposé par l’Etat de son archevêché de Cologne, mais archevêque toujours aux yeux de l’Eglise, accourait de Hollande, bravant la prison, pour entretenir Masella, pour lui remontrer que Bismarck ne ferait jamais les concessions nécessaires, que la situation de l’Eglise ne changerait que sous le prochain règne, et qu’alors seulement, grâce à l’influence de la princesse Frédéric, l’Eglise serait laissée libre, en Prusse, comme elle l’était en Angleterre. Le nonce laissa dire, mais continua, quand même,