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d’essai. Le nonce de Munich excellait à les lancer. De Munich à Berlin, les racontars vont bon train ; et Bismarck fut vite mis au courant. Holnstein, le 31 mars, revit le nonce ; et ce fut de la situation religieuse qu’ils parlèrent. Il était vraiment souhaitable qu’elle se réglât ; Holnstein insistait, suggérait que le Vatican devrait s’adresser directement à Bismarck. Il y a une question délicate, continuait-il, celle des évêques déposés par l’Etat ; comment s’en tirera-t-on ? La question est douloureuse, reprenait Masella, mais non pas insoluble ; et le nonce alléguait qu’à toutes les preuves de courage qu’ils avaient déjà données, ces évêques pourraient ajouter un acte suprême : se sacrifier, pour faciliter une entente. Holnstein ne prit pas congé du nonce sans lui dire qu’il allait passer quelque temps à Berlin ; Bismarck allait avoir un second écho des conversations de Masella.

Léon XIII, que le nonce informait régulièrement, répondit en personne, le 17 avril, à la lettre impériale. Le Pape remerciait Guillaume et constatait que l’intervention de l’autorité papale était demandée par Sa Majesté l’Empereur. Il redisait que, « d’après une maxime incontestée de la sainte religion catholique, l’accomplissement le plus exact des devoirs religieux s’unit, quand aucun obstacle ne s’y oppose, à l’obéissance et au respect dû aux autorités et aux lois de l’Etat. » Mais en Prusse un obstacle existait, c’était la nouvelle législation. Léon XIII se plaignait, très sobrement, qu’elle eût altéré la divine constitution de l’Eglise, qu’elle eût créé des conflits entre le droit civil et le droit canon : de là, l’inévitable agitation, dans laquelle avaient été jetés les catholiques, acculés à l’alternative de désobéir aux lois de la Prusse, ou de désobéir à la loi de Dieu. Bismarck avait affecté, sous la signature de Guillaume, d’opposer la docilité des sujets catholiques à l’indocilité du clergé. Implicitement, par le choix même des termes, Léon XIII laissait comprendre qu’il n’admettait pas ce fallacieux contraste. A ses yeux, c’étaient « les catholiques, » c’étaient « les ministres de Dieu et le peuple catholique, » qui, lésés par les lois, étaient contraints de les enfreindre ; et tandis qu’on eût pu croire, à lire la lettre de l’Empereur, que la Prusse souffrait, tout simplement, d’une fronde ecclésiastique, Léon XIII laissait comprendre qu’il connaissait l’exacte réalité, le mouvement populaire sur lequel s’appuyait la résistance aux lois. Il demandait à l’Empereur de jeter un regard propice sur cette