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l’Allemagne, pour lui, n’était pas une terre inconnue. Il avait plus et mieux que l’esprit de conciliation ; il savait découvrir les formules, subtilement correctes, qui traduisaient en style curial, acceptable pour les canonistes, certaines exigences des pouvoirs civils ; avant de se hâter de signifier un non possumus, il essayait de rédiger, à sa guise, avec les termes de son Eglise et toutes les nuances que cette Église impose, un possumus souriant, généreux, mais souriant avec dignité, et généreux avec fierté. Sur la recommandation du cardinal de Hohenlohe, Gelzer reçut bon accueil à la secrétairerie d’Etat. Franchi, prenant les devans, lui exprima le vœu d’une pleine entente, d’une entente rapide, sur la base de la bulle De salute, qui avait, en 1821, marqué l’accord entre la Prusse et le Saint-Siège. « Faites vite, faites vite, » conjurait le cardinal. Gelzer, non sans quelques suspicions, étudiait cette atmosphère imprévue ; il croyait sentir que « les Jésuites, les ultramontains français, les évêques autrichiens, le cardinal Bilio » empêcheraient de faire vite ; il soupçonnait Franchi de n’être si pressé que pour se ménager un succès personnel. Il y avait, près de Franchi, un prélat polonais, Czacki : que ferait ce prélat ? C’était une énigme encore pour Gelzer ; apparemment la présence de ce Slave ne rassurait qu’à moitié cet Allemand. Léon XIII lui faisait l’effet d’un homme intelligent, mais manquant de l’énergie nécessaire pour s’affranchir toujours des influences contraires. Telles furent les impressions un peu mêlées, un peu vagues encore, dont Guillaume, assurément, ne tarda pas à être averti.

Bismarck, lui aussi, avait son émissaire. Celui-ci opérait à Munich ; il n’était autre que le comte Holnstein, grand écuyer du roi Louis II. Un soir de mars, dans le salon de l’archiduchesse Gisèle, Holnstein, qui généralement boudait vaux robes violettes, vint causer avec le nonce Aloisi Masella. « Monseigneur, lui dit-il, nous devrions nous réconcilier contre l’ennemi commun, le socialisme. » Masella retint le propos ; et bientôt, de son côté, s’entretenant avec le baron de Soden, ministre de Wurtemberg à Munich, il lui faisait ressortir quels avantages aurait pour la Prusse la paix religieuse. Soden discutait, ne voulait pas que le nonce s’illusionnât, lui faisait comprendre qu’on obtiendrait malaisément l’abrogation des lois de Mai. Ne pourrait-on les laisser tomber en désuétude ? insinuait Masella. Des propos en l’air n’engagent personne : ce sont ballons