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restaurant d’autre part toutes les virtualités qu’ils ont éteintes, — suivre la gamme complète des concentrations et dilutions qualitatives, s’insérer par une sorte de sympathie dans le jeu incessamment mobile des innombrables contractions ou résolutions possibles, si bien qu’en fin de compte, on arrive à saisir de cette matière, comme par une vue simultanée, selon leurs modes infiniment multiples, les aptitudes latentes à être « perçue. »

Ainsi, en l’espèce, la connaissance absolue résulterait d’une expérience intégrale ; et si nous ne pouvons atteindre le terme, nous voyons du moins quelle direction de travail nous y mènerait. Maintenant, de notre connaissance réalisable, il faut dire qu’elle est à chaque instant partielle et limitée plutôt qu’extérieure et relative, car notre perception effective est à la matière en soi dans le rapport de la partie au tout. Nos moindres perceptions sont en effet à base de perception pure et « nous tenons les ébranlemens élémentaires, constitutifs de la matière, dans la qualité sensible où ils se contractent, comme nous tenons les palpitations de notre cœur dans le sentiment général que nous avons de vivre. ; » Mais la préoccupation d’agir pratiquement, interposée entre le réel et nous, produit le monde fragmenté du sens commun, à peu près comme un milieu absorbant résout en raies séparées le spectre continu d’une source lumineuse ; tandis que le rythme de durée, le degré de tension propre à notre conscience nous limite à la saisie de certaines qualités seulement.

Qu’avons-nous donc à faire pour nous acheminer vers une connaissance absolue ? Non pas sortir de l’expérience : tout au contraire ; mais l’étendre et la diversifier par la science, en même temps que, par la critique, y corriger les effets perturbateurs de l’action, et enfin vivifier tous les résultats ainsi obtenus, par un effort de sympathie qui nous fasse entrer dans la familiarité de l’objet jusqu’à sentir sa palpitation profonde et sa richesse intérieure.

Sur ce dernier point, si nécessaire, et qui est décisif, rappelez-vous une page célèbre de Sainte-Beuve définissant sa méthode : « Entrer en son auteur, s’y installer, le produire sous ses aspects divers, le faire vivre, se mouvoir et parler, comme il a dû faire ; le suivre en son intérieur et dans ses mœurs domestiques aussi avant qu’on le peut… On l’étudié, on le