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mérite à l’Empereur, écrit dans ses Mémoires le comte de Saint-Priest. En interrogeant sa sœur sur sa stérilité, il en apprit la cause. Il ne s’agissait que d’un peu d’adresse de la part de la Reine[1]… » À ce point de vue tout au moins, le voyage de Joseph n’avait pas été en pure perte.


Quant à l’effet produit sur l’opinion par la visite en France du monarque autrichien, il semble bien que cette visite ait été, tout compte fait, plus nuisible qu’utile. Nul ne doutait que le but de Joseph ne fût essentiellement de raisonner et d’assagir sa sœur, de l’arracher aux influences qui l’entraînaient dans des voies périlleuses, de remettre de l’ordre et de la décence à la Cour. Le désappointement fut profond, lorsqu’on vit les bonnes impressions si rapidement détruites et les anciennes façons de vivre si aisément ramenées à leur train coutumier. On avait beaucoup espéré ; on s’en irrita davantage. La physionomie de façade adoptée par l’Empereur, son économie, son sérieux, sa simplicité d’existence faisant contraste avec le luxe et le goût du plaisir étalés à Versailles, suscitèrent dans l’esprit public des comparaisons désastreuses. La frivolité de la Reine en parut plus choquante, la faiblesse du Roi plus fâcheuse. On les jugea dès lors l’un et l’autre incurables, et la tentative avortée rendit les vices plus apparens, les abus plus intolérables.


SEGUR.

  1. Mémoires inédits du comte Guignard de Saint-Priest.